L'Episode VI, pour tout excitant qu'il pouvait être quand je l'ai vu enfant, portait déjà les germes de la catastrophe qui s'annonçait : une déshydratation de la sève des deux premiers films. À mon sens, avec ce film, George Lucas a perdu le fil de sa saga. Il avait déjà commencé l'entreprise de normalisation de sa saga ; et de l'ambiance anti-positiviste, mystique des deux premiers films, ne restaient pratiquement que la partie nunuche du conte de fée, et l'écriture paresseuse des films d'aventures des années 80s. Le fait qu'il ait décidé de recycler l'idée de l'Etoile Noire, et de bricoler au dernier moment une nouvelle révélation de filiation des protagonistes, n'a pas aidé à crédibiliser ce nouvel opus. Outre le fait que cela ressemblait à une tentative peu inspirée de renouveler l'exploit des deux premiers, cela contribuait à rétrécir son univers, ce à quoi il s'échinera avec sa "prélogie". En effet, un univers de science fiction avec un empire galactique où tout le monde peut être le cousin du grand père du ministre, ou la nièce de la belle soeur de l'empereur, ou avoir le même droide que le beau père de son garde, ne donne pas une sensation d'immensité, mais au contraire d'assister à un huis clos. La destinée a bon dos et apparait comme un Deus Ex Machina paresseux. Pour en revenir à l'Episode VI spécifiquement, une autre chose qui m'avait à l'époque frappé, était la forte baisse de régime des personnages : alors que l'épisode V avait fait monté d'un cran leur intensité (Han Solo plus "vaurien" que jamais, Leia plus affirmé que dans le IV, un Luke plus volontaire mais aussi plus vulnérable face à un Darth Vader devenu autonome et plus impitoyable), l'épidode VI semble faire un retropédalage avec un Han Solo vraiment terne, pas en forme du tout, un Darth Vader qui retourne à son rôle de toutou du grand chef, très compréhensif avec ces officiers (j'ai toujours été tenté de pouffer de rire quand Darth Vader félicite un officier qui lui amène un prisonnier qui s'est livré de lui-même), une Léia tout aussi mollassonne, voire soumise en esclave érotique pour un personnage dont on ne comprend d'ailleurs pas bien l'attrait que cela peut avoir pour lui, un Luke transformé en prêtre prechi-prêcha un peu cheap, qui n'a clairement plus sa fougue d'antan. D'autre part, le scénario ne fonctionne vraiment pas bien et même s'il faut admettre que les scénario n'ont jamais été le point fort des Star Wars, c'est particulièrement gênant dans celui-ci, peut être précisément parce qu'il n'est même plus porté par les personnages dont les tempéraments sont bien trop délayés pour donner un peu de relief à tout ça. Je ne m'attarderais pas sur les ewoks qui contribue à faire de la fin du film un sommet de bouffonnade que même les effets spéciaux ne parviennent pas à faire oublier.
Reste que l'Episode VI était un divertissement efficace à sa sortie, les effects spéciaux avaient bien progressé, quelques scènes d'actions efficaces jonchaient ce délire nanardesque, comme la poursuite en moto-jet volante, la bataille spatiale finale, et l'indispensable duel aux sabres laser. Mais émotionnellement tout tombe à plat faute de cohérence à tous les niveaux : personnages, histoire, crédibilité. A ce stade d'usure du dispositif, la dimension "mythologique" du premier Star Wars est totalement oubliée, et sans ce cache-misère, et il ne reste qu'un film d'aventure luxueux (pour l'époque) qui ne parvient pas faire oublier la dimension nanardesque de son écriture.