Monsieur Je-sais-tout est le 3ème long-métrage du duo François Prévôt-Leygonie, Stephan Archinard après Amitiés sincères et Tout schuss. Les deux artistes reviennent sur leur manière de travailler ensemble : "On se parle beaucoup, tous les jours, sur le choix des textes, les personnages vers lesquels on a envie d’aller, les acteurs avec lesquels on a envie de travailler. Jusqu’à notre rencontre avec Alain, une fois fixée la trame de notre histoire, on écrivait toujours à deux, quotidiennement, pendant de longues séances de travail. Maintenant c’est à trois. Du « ping-pong à trois bandes » ! On écrit toujours autant, même des trucs dont on sait qu’on ne les gardera pas dans le scénario. En rentrant chacun chez soi, on écrit encore, on s’échange des longues lettres par mail dans lesquelles on s’interroge sur le sentiment des scènes. On bâtit notre petit édifice. Et, quand on a une belle matière, alors, on trie et on coupe, pour aller à l’essentiel. On s’engueule rarement parce qu’on aime les mêmes choses."
Les réalisateurs François Prévôt-Leygonie, Stephan Archinard sont tombés par hasard sur le projet Monsieur Je-sais-tout, quand leur agent leur donne à lire le roman La Surface de réparation d'Alain Gillot :
"À cause de son titre, on s’attend à un livre sur le foot. Nous sommes circonspects. Nous aimons beaucoup ce sport, mais de là à lui consacrer un film… Surprise ! Non seulement le foot n’est que le « décor » du roman, mais ce dernier a tout pour nous plaire. Premièrement, il est bâti autour d’une thématique qui est, depuis toujours, au centre de tout ce qu’on fait au théâtre comme au cinéma : la filiation et la transmission. Deuxièmement, il fait le portrait d’un duo qu’on trouve irrésistible, parce qu’aussi mal assorti qu’inattendu : un enfant atteint du syndrome Asperger et un adulte comme on les aime, un peu fort en gueule, mais avec pleins d’arrière-plans psychologiques et sentimentaux. Et troisièmement, il aborde à travers le personnage de l’enfant, un sujet rarement évoqué sur les écrans français, celui de l’autisme Asperger."
Les cinéastes François Prévôt-Leygonie, Stephan Archinard ne connaissaient pas l’auteur du livre, Alain Gillot :
"On décide d’aller le voir sans perdre une seconde. Il se trouve qu’il habite La Rochelle, une ville que nous affectionnons beaucoup, au point d’y avoir tourné Amitiés Sincères. Retourner sur les lieux d’un film qu’on avait pris beaucoup de plaisir à tourner… Pour nous, qui croyons aux petits clins d’oeil du destin, c’était un signe supplémentaire que les planètes s’alignaient pour que ce projet débouche sur du concret. Alain est un homme qui a une puissance de travail phénoménale, un humanisme viscéral et un grand sens de l’éthique. Entre nous, ça a tout de suite collé. On a d’ailleurs d’autres projets ensemble. Il va devenir notre coscénariste attitré (rire)".
François Prévôt-Leygonie, Stephan Archinard ont décidé de ne pas gardé le titre original du roman (La Surface de réparation) pour leur adaptation : "On a planché pour dégoter quelque chose de plus universel et de plus « feel good ». C’est François qui a eu l’illumination ! Monsieur Je-sais-tout, c’est d’abord une réplique que Vincent donne à Léo à un moment clé du film, juste avant qu’il ne décide de le mettre dans les buts. Dans ces quelques mots gentiment provocateurs, il y a le désarroi de l’adulte qui ne sait pas trop communiquer avec cet enfant et qui utilise une expression puérile - qu’il imagine appropriée - pour tenter de le faire réagir, et il y a aussi, sous-jacente, la marque du début de l’attachement que Vincent va avoir pour Léo. Au final, ce titre nous a semblé être en totale adéquation avec le film et la manière de traiter notre sujet : tenter de mettre de la légèreté et de la lumière au service de la profondeur."
François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard évoquent le processus qui a mené à l'engagement d'Arnaud Ducret sur le projet : "Nous cherchions un comédien costaud, athlétique, sympathique, tonitruant, à mi-chemin entre un Lino Ventura et un Gérard Lanvin. Un acteur capable d’être dans un va et vient de jeu à la fois intériorisé et très extériorisé, très physique, très empathique quand il joue le coach. C’est notre directeur de casting Martin Rougier qui nous a soufflé le nom d’Arnaud. Comme on le connaissait mal, on a fait comme d’habitude dans ces cas-là, on s’est « Arnauducrétisé », en regardant tout ce qu’Arnaud avait fait. Il nous a particulièrement estomaqués dans un film sur de Gaulle où il jouait un Jacques Chirac phénoménal ! On l’a alors rencontré et, comme avec Alain Gillot, on a eu un coup de coeur. Il a tout Arnaud : la gentillesse, la disponibilité, le désir, l’humour, l’instinct, le sens de l’écoute et l’envie. C’est un gros bosseur. En plus, physiquement c’est une masse. Il emporte tout sur son passage. Pour le rôle, il était idéal."
Dans la première version du scénario, par respect pour l'auteur Alain Gillot, François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard sont restés très proches de l’environnement de son roman qui se passe dans l’Est de la France. Les ciels y sont plombés, les paysages boueux, les villes, grises et les familles impécunieuses. "À lire c’est magnifique, mais à regarder moins. Alain en a convenu. Avec son accord, nous avons donc changé notre fusil d’épaule et transplanté ses personnages dans une région ensoleillée, où l’on respire et où les horizons sont dégagés. Nous avons finalement choisi La Rochelle puisque c’est là qu’il habitait et qu’en plus, comme nous vous l’avons dit plus haut, on connaissait parfaitement cette ville et ses environs, pour y avoir déjà tourné."
Arnaud Ducret a revu plusieurs fois Rain Man, de Barry Levinson, pour essayer de retrouver le rapport qu’avait Tom Cruise avec Dustin Hoffman. "C‘est marrant parce que sur le plateau, je me passais souvent la musique de ce fi lm. Pour le reste, j’ai fait une fois encore confiance à mon instinct. Par exemple, je n’ai pas cherché à savoir comment on doit se comporter avec les enfants atteints du syndrome d’Asperger car au début du film, Vincent ne sait pas que Léo en est atteint et qu’il doit donc se débrouiller tout seul. En fait, c’est la force du texte qui m’a « soufflé » mon Vincent. Je l’ai vu comme un mec rugueux, mais positif et solaire", relate le comédien.
Max Baissette de Malglaive, qui interprète Léo, l'ado autiste Asperger, a été engagé sur le projet grâce au directeur de casting Martin Rougier. "Il avait fait pas mal de distributions de films avec des enfants. Il en a sélectionné une trentaine. Max a tout de suite crevé l’écran. Il avait pourtant une grippe carabinée quand il est venu passer les essais, mais il a tout explosé. Par acquis de conscience, on a organisé un deuxième tour avec deux autres candidats, mais il a remporté ce second essai haut la main. Je crois que c’est un génie de l’interprétation. On peut lui demander ce qu’on veut, il le fait. C’est un caméléon. Je crois que, malgré son gabarit d’allumette, il parviendrait à être crédible en tueur à gages ! Son regard est impressionnant.", confie François Prévôt-Leygonie.
François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard ont eu quelques difficultés à filmer le duo Arnaud Ducret / Max Baissette de Malglaive en raison de la différence de taille : "Faire entrer dans un même plan, et côte à côte, un géant d’1m92 et un gamin d’1m53 relève du tour de passepasse ! (rires). Mais nous, nous voulions insister sur cette différence de taille et de gabarit, parce qu’on savait qu’elle aurait beaucoup d’impact sur la force émotionnelle du film. Sur sa drôlerie aussi. Nous avons donc demandé à notre chef op de jouer les magiciens. Dans le film, on a le sentiment que Max marche constamment derrière Arnaud, presque collé à lui, comme un poisson pilote sur un requin. On a dû beaucoup « découper » pour donner cette impression-là. Dans les scènes où Max est seul, on l’a souvent filmé en gros plan, pour capter l’intensité de son regard, un regard qu’à cause de son handicap, il ne donne à personne."
Max Baissette de Malglaive revient sur la façon dont il a travaillé son jeu pour parvenir à se glisser dans la peau de Léo, autiste Asperger : "J’avais déjà vu le film Rain Man et des reportages que j’ai pu trouver sur l’autisme, dont le syndrome d’Asperger est l’une des formes. Les enfants atteints de ce syndrome ont un langage corporel assez spécifique. Ils sont souvent très intelligents, sensationnels en mathématiques, ultra-doués pour la musique, mais la plupart du temps, ils vivent enfermés dans leur bulle. Certains sont plus indifférents au monde que d’autres. Il y a des degrés divers. François Prévôt-Leygonie et Stephan Archinard m’ont fait rencontrer une jeune femme atteinte de ce syndrome. Notre rencontre a duré trois heures. C’était assez impressionnant parce que, comme elle ne supportait ni le bruit, ni la lumière, elle portait des lunettes noires et avait mis des moufles sur ses oreilles. Elle nous a raconté que le moindre changement dans ses horaires et ses habitudes la perturbait. Son témoignage m’a beaucoup aidé à construire le personnage de Léo."