S'il y a bien un film à voir dans la carrière de Vittorio De Sica, c'est celui-ci. En plein néoréalisme italien, des génis comme Visconti ou Fellini se font connaître. En 1948, Vittorio De Sica, acteur très populaire en Italie durant les années 30, se penche sur le destin d’un père de famille au chômage et, avec une simplicité étonnante, parvient à hisser son sujet sur des cimes imprévues. Avec l’aide de son scénariste attitré, Cesare Zavattini, il suit le parcours d’un homme au bout du rouleau, mais devant rester digne afin de nourrir son fils. Cette intrigue prétexte sert avant tout aux auteurs pour dresser un état des lieux assez catastrophique de la situation sociale de l’Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La caméra, d’une remarquable fluidité, saisit la misère et la détresse des faubourgs romains sans jamais tomber dans le misérabilisme de bas étage. Certes, le cinéaste semble tenté par le mélodrame, notamment avec une musique assez emphatique, mais il y échappe grâce à une analyse très fine de la psychologie des personnages. Jamais caricaturaux, les protagonistes du film sont tour à tour attachants ou énervants, veules ou touchants jusque dans leurs défauts. Ceci est souligné par l’interprétation remarquable de Lamberto Maggiorani et du très jeune Enzo Staiola (devenu par la suite professeur de mathématiques), tous deux acteurs non professionnels trouvés lors d’un casting sauvage dans la rue. Oeuvre majeure et puissante, Le Voleur de Bicyclette est un film qui remet en question notre jugement du bien et du mal, et offre une beauté salie de manière juste et touchante.