Oubliez la piètre nouvelle version télévisuelle, le plus bel hommage contemporain à "The Twilight Zone" s'appelle désormais "Vivarium" !
Dans l'imaginaire collectif, le but ultime de tout couple est de trouver la maison idéale, avec son bout de gazon, au sein d'une banlieue tranquille, dans un lotissement parfait, tout ça pour y élever de futurs charmants bambins avec amour dans ce cadre idyllique. Et, quelque part, c'est exactement ce qui arrive à Tom et Gemma, jeune couple cherchant à concrétiser cet objectif conformiste bien enfoui dans l'inconscient de chacun dès le plus jeune âge... mais sûrement pas dans les circonstances qu'ils espéraient.
En effet, en visitant une maison dans un immense lotissement correspondant en tout point à l'image que l'on décrivait, ceux-ci s'y retrouvent abandonnés par l'étrange agent immobilier qui les accompagnaient. Pire, ils se rendent peu à peu compte qu'ils est impossible de sortir de cette quatrième dimension cauchemardesque !
Car, oui, toute cette perfection de surface va bien évidemment se révéler être un cauchemar pour le couple désormais condamné à vivre en autarcie dans le vide de ce quartier croisant l'esthétique d'un Truman Show particulièrement tordu à celui d'un cartoon glauque. C'est bien simple, dans ce "Vivarium" que l'on prend un malin plaisir à scruter comme les forces supérieures qui le gouvernent, tout ce qui devrait être la source normale du bonheur de Tom et Gemma se retourne contre eux ! Une maison que l'on ne peut plus quitter, une nourriture en abondance réduite à sa définition la plus élémentaire, un décor "de rêve" qui conduit à la folie par son immobilisme... et, le plus important, l'arrivée d'un enfant qui va transformer la satire de cette vie de couple sur avance rapide en tableaux allégoriques franchement brillants !
À l'instar de n'importe quelle naissance, ce bébé va être le point central de l'évolution de la relation entre Tom et Gemma mais, comme il est aussi une vision déformée de la réalité par sa nature, ce qu'il engendre comme "pastilles" de ce couple ne sont que des détournements absurdes de son quotidien. L'élever devient ainsi synonyme de captivité, le rôle d'une mère au foyer vire à celui d'infirmière psychiatrique, celui du père à s'enfermer dans un labeur grotesque pour s'échapper du reste... On s'arrêtera là sur ce point pour ne pas en dévoiler plus mais sachez juste que, dans cette optique de tourner en dérision la globalité d'une existence dédiée à un enfant, "Vivarium" ne cessera d'impressionner par l'intelligence des doubles-lectures qu'il propose avec générosité ! Ajoutez à cela les géniaux Jesse Eisenberg et Imogen Poots pour les interpréter et il devient quasi-impossible de ne pas se coller à la vitre de ce vivarium pour tenter de découvrir ce qu'il s'y passe !
Parallèlement, "Vivarium" va bien entendu jouer sur son mystère et le faire d'ailleurs plutôt bien en ne cessant d'élargir la bizarrerie de ce monde à travers des rebondissements très bien distribués tout au long de sa durée. Si, au regard de son prologue et de certains événements en cours de route, la finalité globale de cette histoire dans ces grande lignes ne pourra pas vraiment créer la surprise (les dernières minutes seront assez prévisibles en ce sens), c'est clairement dans son déroulement que le film impressionnera le plus, en ne se répétant jamais, en maniant l'art de l'ellipse au bon moment pour ouvrir de nouvelles portes et, surtout, en parvenant toujours à garder notre œil fasciné sur ce monde et ses phénomènes hors-norme. Dans "Vivarium", tout semble pouvoir arriver à tout instant et c'est une de ses plus grandes qualités, d'autant plus que ce "tout" arrivera même souvent !
Bref, le film de Lorcan Finnegan est un pur épisode de "The Twilight Zone" qui réussit, de surcroît, le tour de force de tenir son postulat étrange sur plus de 1h30. Pas de doute, Rod Serling aurait applaudi.