« At Eternity’s Gate » évoque les dernières années de Vincent Van Gogh, où l’artiste était particulièrement instable, mais très productif... et pas reconnu pour autant. Pas besoin d’être un expert en peinture pour apprécier le film, qui se veut didactique sur son sujet (références aux tableaux très directes, impressionnistes explicitement mentionnés…). Cependant, le résultat n’est pas pleinement satisfaisant. Le film bénéficie de réelles qualités, telles que des coloris jaunâtres qui renvoient aux tableaux de Van Gogh, une belle photographie, et de jolis paysages du Sud (tournage sur place). Un bel hommage à la peinture… quelque peu gâché par des choix de mise en scène très discutables, voire pompeux. Julian Schnabel opte très souvent pour des gros plans à courte focales, et une caméra à l’épaule tournoyante et tremblotante (on est par moment à 2 doigts de la shaky cam). L’objectif est sans doute de faire écho à l’état psychologique très fébrile de Van Gogh, et peut-être également à son style de peinture (coups de pinceaux vifs, effets de rotation). Mais c’est à la limite du prétentieux, et dommage vu le potentiel visuel de l’ensemble, qui aurait pu être sublimé par une mise en scène plus classique et éclatante. Heureusement, le long-métrage est très bien porté par ses acteurs. Willem Dafoe est un choix très étonnant pour Van Gogh, l’acteur ayant 25 ans de plus que le peintre à ce moment-là ! Toutefois cette différence d’âge est judicieusement utilisée pour renforcer l’aspect marqué du protagoniste. Et Dafoe excelle dans ce rôle d’homme meurtri et asocial, dont le talent n’est ni apprécié ni reconnu, et dont la peinture est la seule raison de vivre. Dafoe est appuyé par un panel de guest stars de luxe très appréciables (Mads Mikkelsen, Oscar Isaac, Niels Arestrup…), et on peut aussi l'entendre prononcer quelques phrases en français ! Ces interprètes participent grandement à rendre cette introspection relativement fluide, malgré des choix narratifs étonnants (la célèbre altercation de l’oreille est par exemple traitée en ellipse !).