Il est toujours intéressant de voir un cinéaste quitter sa zone de confort et se lancer de nouveaux défis en s'attaquant à un registre différent. Voici donc Hirokazu Kore-eda, le chantre de la famille, plus ou moins dysfonctionnelle, sur le terrain du thriller judiciaire dans The Third Murder, qui n'est pas sans rappeler les romans de l'américain Michael Connelly, au moins dans cette volonté de suivre au plus près le travail effectué par les avocats de la défense. Cependant, il ne s'agit pas d'un énième film de procès, le cinéaste intégrant de courtes scènes d'audience dans le seul but d'éclaircir ou d'obscurcir, c'est selon, certains éléments clé de l'intrigue. Du suspense, il y en a beaucoup dans The Third Murder, notamment en matière psychologique, avec le profil de l'accusé, plutôt changeant et insaisissable. Son "duel" avec l'avocat qui le défend est passionnant, culminant dans une scène de parloir, vers la fin du film, qui joue avec virtuosité des reflets des visages sur la vitre. Au-delà de ses thématiques de thriller qui sont la base du film, bien d'autres sujets sont en creux, jouant des parallèles entre les trois principaux personnages : l'accusé, l'avocat et la victime, tous les trois pères inadaptés dans leurs comportements, et se sentant coupables, au moins pour les deux premiers. Comme quoi, même dans un genre bien codifié, le cinéaste japonais n'oublie pas ses thèmes favoris. Dans ce film très riche, la quête de la vérité s'oppose à une définition incontestable et obéit à une réalité subjective. Existe t-elle vraiment, s'interroge Kore-eda qui a beaucoup regardé le Rashomon de Kurosawa. Par ailleurs, le traitement documentaire du fonctionnement de la justice est particulièrement captivant avec des cadrages, un découpage des scènes, un montage et une esthétique générale assez inspirés des grands films américains des années 50. Il y a énormément de coups de théâtre et de rebondissements dans The Third Murder mais au-delà, ce qui rend l'oeuvre excitante, c'est son atmosphère, humour, poésie et onirisme ne sont pas absents, et son intelligence narrative constante. De la très belle ouvrage, stimulante pour l'esprit du spectateur.