Je n'avais vraiment pas aimé le précédent film de Romain Gavras, tout en étant surpris qu'il n'ait l'opportunité de refaire un film que huit ans plus tard. J'ai vu tellement de fois la bande-annonce (involontairement) que j'ai presque fini par l'apprécier, celle-ci semblant bien donner le ton de ce qui nous attend pendant 100 minutes. Du coup, je me disais autant que cela pourrait ne pas passer du tout comme être une vraie bonne surprise : on est en définitive beaucoup plus proche du deuxième choix, me réconciliant en grande partie avec le fils du grand Costa. Sous ses airs de polar assez classique racontant l'histoire d'un jeune homme souhaitant faire un dernier gros coup afin d'obtenir une franchise et entrer dans la légalité où tout ne se passera évidemment pas comme prévu, l'œuvre réserve finalement quelques inattendus. C'est que Gavras parvient à instiller une personnalité discrète mais réelle mais dans sa réalisation et son scénario, que ce soit dans la manière dont il voit notre monde aujourd'hui ou les personnages qu'il dépeint, les deux étant d'ailleurs étroitement liés. Beaucoup d'égoïsme, d'hypocrisie, d'opportunisme... Cela a beau être placé sous le signe de la légèreté et (relativement) de la comédie, personne n'est dupe. Aucun d'entre eux n'est réellement épargné, chacun montrant un aspect pourri de la société actuelle, à commencer par le trio Isabelle Adjani - Vincent Cassel - Oulaya Amamra, tous trois excellents (dans des registres très différents), le second livrant notamment l'une de ses performances les plus réjouissantes depuis longtemps. Dans l'ensemble, le casting donne d'ailleurs satisfaction, notamment Karim Leklou dans son premier grand rôle, et si l'on excepte celle de Sofian Khammes, médiocre en malfrat influent de (très) bas-étage. Sans oublier une bande-originale pour le moins étonnante, allant de
Michel Sardou au rap en passant par Toto, Robbie Williams et Daniel Balavoine
, pour ne citer qu'eux, choix toujours judicieux s'intégrant parfaitement au drôle d'univers de l'œuvre. Après, rien d'extraordinaire non plus dans un schéma narratif et une progression que l'on peut (plus ou moins) deviner dans les grandes lignes, mais à l'image d'une dernière partie aussi rondement menée qu'incisive, faisant preuve, là encore, d'un certain cynisme, « Le Monde est à toi » témoigne de qualités et d'audaces devenues rares dans le cinéma français : pour toutes ces raisons, il mérite d'être salué.