Pilar Palomero a choisi de situer l'intrigue de Las niñas dans la ville de Saragosse en 1992. Une année où, pour la réalisatrice, une euphorie collective régnait en Espagne avec les Jeux Olympiques de Barcelone et l'Exposition de Séville. Elle se rappelle : "Nous sentions alors que nous faisions pleinement partie d’une société moderne, européenne. Mais en vérité, il suffit de revoir un programme télévisé de l'époque, ou les gros titres des magazines et des journaux, pour se rendre compte que dans de nombreux endroits en Espagne, ou dans de nombreux environnements, cette prétendue modernité était un mirage."
Le film est né de la découverte du carnet de religion qu'avait Pilar Palomero en 1992, dans lequel elle a lu un essai intitulé "La sexualité au service de l'amour". "Et quand je l'ai lu, je me suis dit : "quelle éducation à l'ancienne reçoivent les femmes de ma génération ?" Mais attention, pas seulement à l'école ! La société était aussi très machiste et il y avait beaucoup de mentalités qui, malgré l'année 1992, étaient encore ancrées dans le passé", confie-t-elle.
Pour aborder les thématiques des secrets de famille et de l’éducation religieuse, Pilar Palomero a recueilli beaucoup d’informations en parlant avec des amis, des connaissances et des personnes d'une autre génération qu'elle. La cinéaste précise : "En 1992, il y avait des écoles laïques, il y avait des écoles mixtes, et bien que je me concentre sur l'expérience que j'ai vécue dans un groupe religieux, je précise toujours que l'éducation que nous avons reçue à l'école n'était pas seulement transmise à l'école. Ce que je vois maintenant, en tant qu'adulte, c'est que le message qu'ils nous ont donné était caduque, vraiment démodé."
Née à Saragosse, au nord de l'Espagne, Pilar Palomero est diplômée en philologie hispanique. En 2013, elle suit le Master en réalisation à la Film Factory (Sarajevo) sous le mentorat de Béla Tarr. Elle a travaillé pendant plusieurs années comme scénariste et professeur. Ses courts-métrages ont été présentés dans plusieurs festivals, et elle a participé aux Sarajevo Talents en 2017 et aux Berlinale Talents en 2017. Las Niñas est son premier long-métrage en tant que scénariste et réalisatrice.
Lorsque Pilar Palomero écrivait le scénario, elle s'est rendu compte que, dans les dialogues, lorsque les adultes (surtout les professeurs) faisaient référence aux filles principales, ils le faisaient comme des "filles" (niñas), même si elles ne l'étaient plus autant. Elle ajoute : "Et je me demandais si ce n'était pas une façon paternaliste et condescendante de nous désigner les femmes : en espagnol, parfois le terme « fille » est utilisé pour désigner une femme, même si elle a déjà l'âge légal."
Pilar Palomero recherchait avant tout des actrices spontanées capables de transmettre l'énergie des personnages. La réalisatrice se remémore : "Une fois que nous les avons trouvées, tout a été très facile avec elles. C'était un travail très amusant car au lieu de lire le scénario et de faire des répétitions, il s'agissait de séances au cours desquelles nous expliquions à quoi ressemblait l'année 1992, non seulement aux six protagonistes mais à toute la classe. Il était curieux de voir comment selon la fille et l'école qu'elle fréquentait, les messages et le thème du film étaient plus ou moins similaires ou différents."
En tant que spectatrice et réalisatrice, Pilar Palomero a constaté qu’il manque des films sur la puberté des femmes en Espagne. On en trouve sur l’enfance et l’adolescence depuis quelque temps, mais pas ce passage entre les deux. La cinéaste précise : "Je voulais réaliser un film qui parle directement de ma génération et interroger nos souvenirs afin de savoir si ceux-ci correspondent avec ce que nous avons vécu à cette époque. En effet, on retient plus facilement l’éducation moderne que celle plus conservatrice et qui nous a pourtant marqués."
Carlos Saura, avec son film Cria Cuervos (1976), a été la référence principale pour Pilar Palomero, aussi bien comme cinéaste mais aussi tout au long du processus de création de Las Niñas. Cette dernière confie au sujet de ses autres modèles : "Pour développer l'intrigue, j'ai regardé autant de films sur le passage à l'âge adulte que possible. J'ai été très impressionné par L’Argent de poche de François Truffaut (1976) pour sa réflexion sur la façon dont nous, les adultes, traitons les enfants injustement, qui sont des enfants, mais pas stupides. Formellement, la trilogie Paradise d'Ulrich Seidl m’a beaucoup inspiré."