Né en 1985, Hubert Charuel grandit dans le milieu de l’élevage laitier. Il décide de prendre une autre voie et sort diplômé de La Fémis en production en 2011. Après plusieurs courts-métrages, il réalise son premier long-métrage en 2016, Petit paysan.
Hubert Charuel est lui-même fils de paysans. La ferme de ses parents se situe à Droyes, entre Reims et Nancy, à vingt kilomètres de Saint‑Dizier, la ville la plus proche. Le metteur en scène confie : "Ce qui leur a permis de survivre à la crise laitière, c’est beaucoup de travail, peu d’investissements, peu de nouveaux outils, des emprunts limités. Cela signifie beaucoup d’intelligence et aussi s’user physiquement pour survivre."
C'est au cours de ses études à la Fémis, au moment d'un exercice de scénario supervisé par la scénariste américaine Malia Scotch Marmo, que Hubert Charuel a développé l'histoire de Petit paysan. Le cinéaste a ensuite rencontré Stéphanie Bermann et Alexis Dulguerian de Domino Films, qui ont été convaincus par le synopsis et quelques pages dialoguées écrites avec Claude Le Pape.
Hubert Charuel a été particulièrement marqué par la crise de la vache folle durant les années 1990. Le réalisateur se rappelle : "Je me revois devant la télé, il y a un sujet sur la maladie, personne ne comprend ce qui se passe, on tue tous les animaux. Et ma mère me dit : « Si ça arrive chez nous, je me suicide ». J’ai dix ans et je me dis que ça peut arriver… Je me souviens de la tension qu’il y avait partout. Comme Pierre le fait avec sa soeur, les paysans appellent souvent leur vétérinaire, ils veulent être rassurés. Et Creutzfeld-Jacob était si particulier que les vétos ne savaient pas quoi dire. On ne savait pas par où passait la contamination, c’était la panique générale. Une paranoïa totale."
Hubert Charuel a tourné Petit paysan dans la ferme de ses parents. Une manière de reprendre l'exploitation pour le réalisateur, qui se souvient : "Quand on a commencé à écrire, je n’y pensais pas parce que la ferme était toujours en activité. Mais après la retraite de mon père, ma mère est partie avec ses bêtes dans une autre exploitation. A partir du moment où on avait cette ferme vide, je me suis dit : « C’est le décor que je connais le mieux ». J’ai fait venir Sébastien Goepfert, mon chef-op, on est tombé d’accord : cette vieille ferme, que mes parents ont retapée eux-mêmes, a un cachet. Bon, ensuite, Sébastien a fait un peu la tête en voyant l’exigüité de la salle de traite… !"
Petit paysan a reçu le soutien de la Fondation Gan pour le cinéma en 2015 et a été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2017.
Hubert Charuel n'a pas cherché à faire un film sur la crise de la vache folle ou sur la fièvre aphteuse. Il a davantage cherché à imaginer une "fièvre hémorragique" en s'inspirant d’une maladie qui touche les veaux, mais qui se soigne, dont l’un des symptômes est un saignement au niveau du dos. "Il nous fallait un symptôme identifiable. On n’allait pas reproduire le tremblement d’une vache folle mais il fallait rendre l’épidémie visible, visuelle", précise le cinéaste.
Hubert Charuel a voulu mélanger acteurs professionnels et non professionnels. Pour Pierre, le cinéaste a rencontré beaucoup de comédiens jusqu'à ce que sa directrice de casting, Judith Chalier, lui présente Swann Arlaud. Charuel a également, comme dans ses précédents courts métrages, fait jouer sa mère, son père, son grand père ainsi que ses amis Valentin et Julian.
Pour être crédible dans la peau d'un paysan, Swann Arlaud est venu faire une semaine de stage chez des cousins de la mère de Hubert Charuel. "Vivre comme un paysan, travailler comme un paysan. Les cousins ne voulaient plus le laisser partir : « Il est hyper fort, on a besoin de lui… »", se rappelle le réalisateur.
Hubert Charuel explique à quel point tourner avec des vaches s'avère être très compliqué : "Une vache, c’est comme un enfant de cinq ans, sauf qu’elle fait 900 kilos et qu’elle ne va pas à l’école. Elles compliquent tout : installer un plan dans la salle de traite devient un casse-tête. Pour une vache, la traite dure dix minutes, alors, on ne va pas la laisser attachée vingt minutes dans cette chaleur, après ça devient mauvais pour elle. Les acteurs tolèrent plus de choses, mais ils savent pourquoi ils sont là, les vaches, elles, n’ont rien demandé ! Le respect animal, pour moi, était hyper important. On ne pouvait pas faire n’importe quoi. D’autant qu’un animal stressé, ça se voit à l’écran. Si je raconte l’histoire d’un type en osmose avec ses vaches, la moindre des choses est que les vaches aient l’air en osmose avec lui !"