Ici, le mode de transport privilégié, c'est le taxi. On l'emprunte pour un oui et pour un non, sans se poser de question. A l'inverse des femmes qu'on utilise comme des choses, tout en se posant la question de la morale religieuse et de l'interdit. C'est le fond absolument dramatique de ce film, juste incroyable, "Téhéran Taboo". Il est question de la belle capitale, moderne, bruyante, que le réalisateur fige en début de film, dans une goutte d'eau éloquente, où se côtoient la modernité des échanges économiques et le poids de la culture et de la morale islamiques. Les policiers sont partout, aux aguets d'un couple qui se donne la main, de jeunes gens qui dansent. Et pour autant, curieux paradoxe, on s'amuse, on fume de la drogue, on couche avec les femmes même contre de l'argent, on se fait recoudre l'hymen contre de l'argent. Si le réalisateur s'intéresse au portrait de quatre personnages, une jeune-femme prétendument infirmière mais surtout travailleuse de son corps, une autre mariée à un banquier en tout bien tout honneur, un étudiant créatif, une pauvre jeune-femme qui doit se marier et prouver sa virginité, l'argent constitue un autre acteur majeur de cette comédie humaine dramatique. Car "Téhéran Taboo" est d'une profonde violence. Le film respire une noirceur sans espoir, tout est voué à un désespoir qu'un projet d'immigration vers l'Europe pourrait inverser. Le réalisateur choisit le mode du cinéma d'animation, ce qui a pour effet d'atténuer l'extrème cruauté de cette vie iranienne, tout en indiquant aux censeurs éventuels qu'il n'a fait qu'un dessin-animé. Le politique est mis en cause, le machisme drapé de religiosité aussi. "Téhéran Taboo" est une aventure terrifiante dans l'âme d'un pays qui peine à assumer sa contemporanéité, terrifiante certes, mais juste visuellement sublime.