Dans un village zambien, une femme qui transporte de l’eau, s’étale de tout son long devant une fillette d’une dizaine d’années, qui la regarde, impassible…il n’en faut pas plus pour que la fillette soit accusée au poste de police local, par la femme, de sorcellerie, appuyée par la population massée à la fenêtre, et se voit sommer par le politicien local, de choisir , entre être envoyée dans un camp de sorcières ou être transformée en chèvre !!! La réalisatrice Rungano Nyomi, née en Zambie, élevée au Pays de Galles et vivant aujourd’hui au Portugal s’est intéressée aux camps de « sorcières » qui existent en Zambie ou au Ghana, elle y a passé plusieurs semaines et il lui fut relaté l’histoire qui lui a inspiré l’ouverture du film…Evitant la gravité et la dénonciation sociale, elle a choisi le ton de la fable tragi comique, d’une grande liberté narrative , d’une beauté rare, comme une série de tableaux soignés, où la végétation d’abord verdoyante, devient de plus en plus sèche…On ne saura pas d’où vient Shula, c’est le nom que lui donne ses compagnes sorcières, ni ce qu’elle peut penser derrière son petit air buté…ces femmes sont accusées de sorcellerie sous différents prétextes, la plupart sont âgées, souvent des veuves dont on a voulu se débarrasser, ou des femmes ayant réussi qui ont suscité des jalousies…contre une relative protection, ces femmes doivent travailler gratuitement, sorte d’esclavage moderne. Rungano Nyomi symbolise la subordination de ces femmes, en les affublant d’un long ruban attaché à une grosse bobine qui limite leur déplacement, ce qui donne lieu à de sublimes tableaux…chaîne totalement symbolique, puisque aisément retirable, mais acceptée pour ne pas être transformé en chèvre…Ces camps de sorcières peuvent être aussi parfois des zoos humains quand on y amène des cars de touristes… Le potentat local, a vite compris le parti qu’il peut tirer de la petite sorcière, et l’utilise lors de simulacre de procès ou sur un plateau de télévision pour vendre des produits… et l’installe dans sa propre une villa à l’intérieur on ne peut plus kitsch, auprès de sa compagne elle-même ancienne sorcière…ce qui amusera la jeune Shula…Sans réellement porter de jugement, Rungano Nyomi, porte un regard tantôt ironique, tantôt désespéré sur les croyances populaires qui régissent encore ces sociétés patriarcales, un beau film pour un nouveau pays du cinéma, mélange à l’équilibre subtil, entre allégorie et fantasmagorie, entre drame social et comédie loufoque… A voir !!!