Originaire de Naltchick, capitale de la République autonome de Kabardino-Balkarie, région du Nord-Caucase incluse dans la République de Russie, Kantemir Balagov est un jeune réalisateur de 26 ans, élève d’Alexandre Sokourov, et "Tesnota – Une vie à l’étroit" est son premier long métrage. Présenté dans la sélection Un Certain Regard de Cannes 2017, ce film est inspiré de faits réels.
Nous sommes en 1998, à Naltchick : dans la nuit suivant la célébration en famille de leurs fiançailles, David et Léa, deux jeunes de la communauté juive, sont enlevés par des membres de la communauté musulmane kabarde. Dans ce pays où l’antisémitisme est toujours d’actualité, pas question pour la famille de faire appel à la police. C’est vers la communauté juive que la famille va se tourner, la rançon exigée dépassant ses possibilités financières, sa seule richesse consistant en un garage dans lequel Ilana, la fille de la famille, travaille avec son père. A 24 ans, Ilana, plutôt sauvage, un peu « garçon manqué », pas mal rebelle, s’écarte du communautarisme ambiant en fréquentant Zalim, un kabarde. Autant dire qu’elle se trouve face à un terrible cas de conscience quand sa propre famille la pousse à accepter un marchandage qui permettrait de réunir les fonds nécessaires au paiement de la rançon : épouser Rafa, un garçon de sa communauté et pour lequel elle n’a aucune attirance, contre le versement d’une somme d’argent importante.
Le point de départ du film ouvre la porte vers de nombreuses pistes : drame shakespearien, drame familial, thriller, film politique, film sur les antagonismes religieux, etc.. Dire qu’on ne retrouve pas un peu de tout cela dans "Tesnota – Une vie à l’étroit" serait mentir. Toutefois, ce qu’on voit surtout, c’est le premier film d’un jeune réalisateur malin qui veut absolument se faire remarquer dans un grand Festival. Le résultat ? Si le choix du format dit « format carré » (en fait 4/3 !) est judicieux, en osmose avec la « vie à l’étroit » des protagonistes du film, on ne peut pas en dire autant de l’orientation « film expérimental » que prend trop souvent "Tesnota – Une vie à l’étroit", avec, en particulier, l’utilisation abusive de filtres de couleur. Les images kaléidoscopiques que l’on subit alors, particulièrement fatigantes à regarder, sont en totale contradiction avec un thème faisant appel, avant tout, aux rapports humains et au dilemme cornélien vécu par Ilana. Lorsque le film laisse de côté ces effets inappropriés, le spectateur n’est pas « sauvé pour autant, se retrouvant face à une atmosphère sombre, avec peu de lumière. C’est alors qu’on en arrive sérieusement à se demander si on n’est pas en train de visionner un vieux sketch des Inconnus cherchant à caricaturer les films des pays de l’est.
"Tesnota – Une vie à l’étroit" présente donc le défaut majeur du premier film gâché par la recherche excessive d’effets permettant à un jeune réalisateur, du moins l’espère-t il, de se faire remarquer. Certes, il n’y a pas que du négatif dans ce qu’il nous propose, mais on se permettra modestement de lui donner un conseil : dans sa production future, qui ne manquera pas d’arriver, qu’il sache faire le bon choix entre film cherchant avant tout à impressionner un certain public festivalier en faisant dans l’esbroufe et film plus humble cherchant avant tout à passionner les cinéphiles qui se rendent dans les salles.