A Kind of Magic, une année pour grandir : les secrets du tournage

Neasa Ní Chianáin, David Rane se sont d’abord intéressés à Headfort car c’est le dernier internat d’école primaire en Irlande. Tous les autres ont fermé. "Nous étions attirés par l’idée d’une famille de substitution ; on se demandait si l’Etat pouvait réellement prendre soin des enfants à ce niveau. Beaucoup d’écoles se présentent ainsi mais très peu en sont vraiment capables. C’était le premier sujet de notre film. Pendant nos recherches, nous avons demandé à d’anciens élèves de nous raconter leur expérience dans cette école. Ce sont les noms de John et Amanda Leyden, les deux professeurs que l’on voit le plus dans le film, qui étaient le plus souvent cités. Ils enseignaient dans cette école depuis 46 ans et avaient évidemment marqué beaucoup d’élèves. C’est là que nous avons compris que si nous voulions faire un portrait fidèle de l’école, il fallait que John et Amanda soient les personnages centraux du film. Il nous a fallu du temps pour gagner leur confiance mais une fois qu’ils ont accepté de participer au film, notre récit a vraiment pris vie et nous avons pu observer de près l’éducation très spéciale qu’ils dispensent", précisent les cinéastes.

John et Amanda Leyden conçoivent l’éducation comme une occupation très gratifiante. Un ami jésuite de John lui a dit un jour «John, même si Dieu n’existe pas, tu auras passé ta vie d’une sacrée belle façon.» Cela leur suffit à tous les deux ; ils ont en quelque sorte trouvé leur dessein dans l’éducation des enfants. "D’après moi, ils pensent tous les deux qu’un pensionnat doit être comme «une maison loin de chez soi.» Ils le conçoivent comme un lieu qui doit donner aux enfants les outils et la liberté de s’épanouir et de découvrir leur véritable personnalité. La gentillesse et la joie sont pour eux deux ingrédients essentiels pour faire évoluer les enfants et ils utilisent leur passion respective, la musique et la littérature, pour les y encourager", déclarent Neasa Ní Chianáin et David Rane.

Au départ, Neasa Ní Chianáin et David Rane ont ratissé très large en filmant la plupart des classes. Mais ils ont vite décidé de se concentrer sur des enfants qui étaient en cours avec John ou Amanda Leyden, car c’étaient eux qui allaient nous guider pendant cette année scolaire. Ensuite, le choix s’est imposé de lui-même. "Nous avons sélectionné les enfants au parcours le plus accompli et le plus fort, ceux qui avaient des obstacles à surmonter, qui avaient dû lutter pour en arriver là. Certains enfants n’ont pas du tout changé en l’espace d’un an, alors même s’ils étaient très mignons ou très drôles, s’ils n’avaient pas une bonne histoire, ils n’avaient pas leur place dans le film. Avec Eliza, on a pris un risque : elle était demandeuse de l’attention de la caméra sur elle mais nous n’aurions pas gardé son histoire si elle ne s’était pas épanouie pendant l’année. Nous avons aussi fait très attention à ce que les enfants ne se rendent pas compte que nous nous intéressions à certains d’entre eux en particulier, pour que ce ne soit pas injuste envers les autres. Les enfants eux-mêmes ne savaient pas qui nous filmions", expliquent les réalisateurs.

Neasa Ní Chianáin et David Rane sont des fans du cinéma d’observation. Ils cherchent toujours à raconter des histoires sans utiliser d’interviews, de voix-off ou de texte à l’écran. Ils veulent que le public fasse l’expérience d’un univers, pas qu’on lui en parle. "Nous n’avons jamais donné aucune indication à nos personnages. Nous filmions les événements quand ils se produisaient. Cela nous a demandé énormément de temps mais comme nous filmions nous-mêmes, nous avions tout le temps que nous voulions et nous nous sommes totalement immergés dans le monde de Headfort. Il y avait une salle dans laquelle nous pouvions nous isoler quand nous ne filmions pas. On était donc sur le site la plupart du temps. Nous essayions de nous tenir au courant de ce qui se passait dans l’école ; parfois, on ratait quelque chose mais il y avait toujours la possibilité que quelque chose d’autre se produise pour rattraper ce que nous avions raté, tant qu’on était prêts à attendre. Dans une école, tout est cyclique. Comme nous avons passé deux ans sur place, nous avons vite compris comment les choses se passaient, nous avons appris quel était le meilleur endroit pour poser la caméra dans une salle de classe ou lors d’un événement. Pour les grands moments, comme le début ou la fin d’un semestre, la représentation théâtrale ou la remise des prix, nous avions deux caméras."

Neasa Ní Chianáin a débuté la réalisation en 2001 avec des films documentaires pour la télévision. Elle a réalisé trois documentaires, dont Frank Ned & Busy Lizzie, qui a remporté le prix du meilleur film lors du Celtic Film Festival de 2004 et a été acheté par des diffuseurs du monde entier. Le second, Fairytale of Kathmandu, a été montré pour la première fois au Festival International du Film Documentaire d’Amsterdam en 2007, dans la compétition du Loup d’Argent. Par la suite, il a été sélectionné dans 25 festivals et a remporté trois prix. The Stranger, a été diffusé pour la première fois au Festival du Film de Locarno en 2014. Son film, School Life, a été sélectionné dans la catégorie meilleur documentaire du Festival International du Film Documentaire d’Amsterdam en novembre 2016.