Mikhaël Hers est né le 6 février 1975 à Paris. Il étudie en département production à La fémis, dont il sort diplômé en 2004. Il réalise ensuite trois courts métrages remarqués : Charell (présenté à la Semaine de la Critique, festival de Cannes 2006), Primrose Hill (également présenté à la Semaine de la Critique, festival de Cannes 2007, et primé à Clermont Ferrand) et Montparnasse (présenté à la Quinzaine des réalisateurs, festival de Cannes 2009, et lauréat du Prix Jean Vigo). Après Memory Lane (festival de Locarno 2010) et Ce sentiment de l’été (festival de Rotterdam 2016), Amanda est son troisième long métrage. Il a été sélectionné dans la section Orizzonti au festival de Venise 2018.
Le thème du deuil, déjà présent dans Ce sentiment de l’été de Mikhaël Hers, est abordé de manière plus concrète dans Amanda, avec cette nièce que David doit prendre en charge après le décès de sa mère. "Dans mes précédents films, l’inspiration venait plutôt par un biais rétrospectif et mélancolique, qui me permettait de réinvestir une époque ou des lieux. Pour Amanda, le point de départ était l’envie de parler du Paris d’aujourd’hui et de capturer quelque chose de la fragilité, de la fébrilité et de la violence de l’époque. Amanda est donc effectivement plus inscrit dans le présent et le quotidien que mes précédents films", analyse le metteur en scène.
Etre plus frontal dans les événements et les émotions a-t-il modifié le rapport à la mise en scène pour Mikhaël Hers ? Le cinéaste répond : "Je pense qu’on est du coup un peu plus proche des personnages, notamment à travers le découpage. Il y a davantage de plans rapprochés sur les visages et peut-être moins de travellings sur les lieux. Formellement, je voulais que le film soit le plus pur et le plus simple possible."
Le désir pour le réalisateur Mikhaël Hers de saisir quelque chose de la violence de notre époque est notamment né des attentats de 2015 "parce que ceux-ci étaient le point paroxystique de la violence d’aujourd’hui. Et par extension les attentats appartiennent désormais à un tableau d’ensemble plus vaste d’une époque où l’on est rudoyé par la perte de repères et la prise de conscience de notre fragilité. J’avais plusieurs choses en tête... Témoigner du Paris d’aujourd’hui, la figure d’un grand enfant et d’un petit enfant qui s’accompagnent, les attentats du 13 novembre... Un film est constitué de plein d’éléments qui s’agrègent un peu mystérieusement, jusqu’à dessiner une architecture, un récit qui vous devient nécessaire, que vous ne pouvez contourner."
Mikhaël Hers a fait le choix d’inventer un attentat dans le bois de Vincennes comme point de départ de son film, événement tragique qui va chambouler la vie de ses protagonistes. "J’aurais trouvé indécent d’inventer une victime fictive pour un événement terriblement réel qui a fauché tant de vies et qui appartient désormais à l’imaginaire collectif… C’est malheureusement plausible que cet attentat survienne lors de ce pique-nique dans un bois mais en même temps ce bois est moins identifiable que certaines grandes artères parisiennes ou que le Louvre par exemple. Je pense que le film ne pouvait pas faire l’économie de montrer les images de l'attentat, cela aurait été une fausse pudeur. Amanda n’est pas un film sur les attentats ni sur le terrorisme islamiste mais il me semblait impossible qu’ils ne soient pas filmés ni nommés frontalement (lors de la scène du café avec Raja). Il fallait juste trouver la manière et le moment. Lors du 13 novembre, on a été saturés d’images, toujours les mêmes, qui revenaient en boucle. Des images médiatiques qui créaient du vide plutôt qu’un imaginaire qui nous aide à penser l’événement. A mon humble mesure, il fallait que le film prenne en charge ces images manquantes."
Dans Amanda, la mise en scène du quotidien est très précise mais sans pour autant passer par une approche réaliste ou documentaire… "C’est ce que je cherche à faire : saisir des choses très triviales, très quotidiennes tout en leur donnant une forme de beauté, de lyrisme, de poésie. Par exemple, chez sa soeur, David ne dort pas dans sa chambre mais déplie le canapé du salon… Même s’il habite chez elle, il est inconcevable pour David d’occuper son lit, d’autant plus vis-à-vis de sa fille. Il est en transit et le montrer déplier un canapé-lit était important pour moi. Ce genre d’effets de réel peut parler à tout le monde. Comme aussi la brosse à dents de Sandrine qu’il jette puis va rechercher dans la poubelle", explique Mikhaël Hers.
Mikhaël Hers a choisi Vincent Lacoste pour interpréter son héros, David. "Dans la première version du scénario, le personnage était plus vieux mais en discutant avec Pierre Guyard, mon producteur, on s’est dit que la vérité du personnage résidait dans cet âge précis, très jeune adulte, où l’on vient tout juste de dépasser la vingtaine... Et dans cette tranche d’âge, Vincent Lacoste était l’évidence. Son visage, sa façon de parler, sa douceur, sa grâce, sa beauté un peu gauche, infiniment touchante... J’ai eu un plaisir immense à travailler avec lui. Il est époustouflant et s’est immiscé dans le projet avec beaucoup de travail et une grande justesse", affirme le réalisateur.
La révélation Isaure Multrier joue Amanda. "Isaure n’avait encore jamais joué. C’est la directrice de casting qui l’a remarquée dans la rue. J’avais ce fantasme d’une petite fille très juvénile et poupon, mais avec un petit côté adulte. De par ce qui lui arrive dans le film bien sûr, mais aussi parce que je trouve que les enfants qui grandissent avec un seul de leurs parents ont une forme de maturité. Je me racontais donc qu’Amanda avait une élocution et une capacité de formulation de sa pensée peut-être un peu plus développées qu‘une autre petite fille de sept ans", confie Mikhaël Hers.
Vincent Lacoste évoque sa relation avec sa jeune partenaire, Isaure Multrier. "On s’est un peu vus avant le tournage mais on a vraiment appris à se connaître au fur et à mesure du tournage. Au départ, comme mon personnage, je ne savais pas du tout comment me comporter avec elle. Je n’ai pas de nièces ou de jeunes enfants dans mon entourage, je me demandais comment lui parler, ce qu’elle pensait, à quel niveau elle comprenait qu’on était en train de jouer… Alors j’essayais juste d’être gentil et délicat avec elle, que ce soit très agréable pour elle de faire ce film et qu’elle prenne ce métier pour ce qu’il est. Les enfants jouent de manière très instinctive, il faut savoir être à leur écoute. Moi de toute façon, je travaille toujours ainsi. Je n’ai jamais pris de cours et quand je joue, je ne fais que réagir à la personne qui est en face de moi."