Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Olivier Assayas ne craint pas de faire le grand écart au point de changer complètement de genre d’un film à un autre. Après avoir exploré (avec pas mal de brio d’ailleurs) le petit monde des éditeurs parisiens dans Doubles Vies (2019), c’est un film d’action pur et dur qu’il nous propose, situé entre La Havane et Miami, sans compter des incursions au Honduras ou à Porto-Rico.
Les Cubains qui, au cours des années, ont réussi à fuir le régime instauré par Fidel Castro, ont, pour la plupart, trouvé refuge à Miami, restant ainsi à proximité de leur patrie d’origine. Parmi eux, certains se sont regroupés avec l’intention de tout entreprendre pour renverser le gouvernement actuel et instaurer la démocratie.
Olivier Assayas, se basant sur des personnages réels, raconte donc, à grands traits, les destinées entrecroisées de plusieurs Cubains ayant réussi à rejoindre la Floride. On en distingue quatre : René González (Edgar Ramirez) qui a fui en avion, laissant à La Havane sa femme Olga (Penélope Cruz) ainsi que sa fille, Gerardo Hernandez (Gael Garcia Bernal), Juan Pablo Roque (Wagner Moura) et José Basulta (Leonardo Sbaraglia). Tous sont engagés par les activistes clandestins pour mener des actions, en particulier en tant que pilotes d’avions, pour venir en aide aux Cubains désireux de fuir leur pays, mais aussi pour d’autres missions plus risquées, comme de survoler la capitale cubaine afin d’y disperser des messages tombant du ciel.
Le film multiplie les actions de bravoure, les scènes d’action, au risque de donner le tournis. Certes, on ne risque pas de s’ennuyer, mais il n’est pas impossible de ressentir une dose plus ou moins grande de frustration. Car on aimerait bien comprendre davantage les motivations des personnages, mais le réalisateur ne nous en laisse guère le loisir. Il préfère nous étourdir ou nous surprendre. Car, on peut le préciser sans en dévoiler la teneur, le scénario ménage, en son milieu, une grosse surprise, un retournement de situation qu’on n’avait pas forcément vu venir. Mais, en vérité, cette surprise, déclinée à toute vitesse par une voix off assez peu judicieuse, si elle est réelle, ne change pas grand-chose à l’impression que nous pouvons avoir, celle d’être en présence de personnages sans grande consistance.
Un seul échappe un peu à ce grief, c’est René González, parce qu’il est davantage présent à l’écran et, surtout, parce qu’on s’est laissé toucher par le sort réservé à sa femme et à sa fille. Ce sont d’ailleurs les personnages féminins qui sont, de loin, les plus touchants dans ce film, ce sont les seuls capables de susciter la sympathie. C’est le cas de Ana Margarita Martinez (Ana de Armas), superbe jeune femme qui se décide à épouser Juan Pablo Roque, sans trop savoir à qui elle a affaire. C’est le cas, encore bien davantage, de la femme de René González, interprétée tout en beauté et en nuances par Penélope Cruz : elle illumine le film par sa grandeur d’âme et son abnégation, elle est, à elle seule, le personnage inoubliable de cette histoire.