Capable d’excellence (Carlos), comme du médiocre (Personal Shopper), ou du nul (Demon Lover), Olivier Assayas, cette fois-ci nous sert du juste brouillon. Le résultat est d’autant plus frustrant que les acteurs exceptionnels auxquels Assayas a fait appel, et la matière première unique, d’un point de vue historique qu’il détenait laissaient attendre à un chef d’œuvre. En effet, si le thème de l’exil des millions de Cubains sur le sol américain avait déjà été évoqué au cinéma, le thème de l’infiltration d’espions cubains parmi les réfugiés, ne l’avait jamais été. Or, toutes les tentatives échouées d’attentats contre Castro, et de déstabilisation de sa dictature, ne peuvent pas s’expliquer autrement que par l’envoie massif de taupes bien formées aux méthodes de la Stasi. Le film qui semblait se donner pour mission de montrer le pourquoi et le comment de tout cela échoue tristement. Car, Assayas est confus, voire brouillon, sur la forme et sur le fond. D'abord, sa structure narrative est marquée par le manque d’éléments chronologiques précis. La lecture de l’intrigue en est difficile. Or, elle l’était déjà, en raison des fréquents flash-backs et flash-forwards. Du point de vue du fond, la confusion se voit aussi dans la présentation psychologique des personnages. Les espions castristes sont dépeints de manière très ambiguë. Leur cynisme n’est montré que chez un seul d’entre eux. Pourtant c’est dans l’esprit de tous ces agents castristes que le cynisme règne. Car tous ces hommes, et toutes ces femmes, tout en vivant dans l’opulence que leur procure le sytème américain, et tout en sabotant les efforts de la diaspora cubaine pour restaurer la démocratie, savaient pertinemment qu’ils ne faisaient pas autre chose que d’œuvrer pour que perdure à Cuba un régime qui maintient la pauvreté et l’absence de liberté pour l’écrasante majorité de la population. Cette confusion dans le fond, est le reflet de celle qui semble régner dans l’esprit du réalisateur. De toute évidence Assayas, à l’instar d’une grande majorité de la gauche européenne, oscille entre une admiration puérile pour Castro, et sa résistance machiavélique aux Etat-Unis, et entre une dénonciation documentée de sa dictature sanguinaire.