Olivier Assayas est un habitué de ces drames qui opposent deux idéaux, mais surtout deux cultures. Le contexte bouillant, il l’a déjà abordé en long et en large avec “Carlos”, un révolutionnaire soumis à la manipulation et qui use également de cet atout pour répandre son influence. Puis le français s’est posé dans la vallée de “Sils Maria”, dans un élan nostalgique et mélodramatique, comme il est possible d’en apprécier. Mais il revient à la charge avec un sujet qualifiable d’actualité, sur les tensions entre le monopole des Etats-Unis et le Cuba de Fidel Castro, dictateur dont on dénoue quelques révélations intéressantes. Cela rappelle en un premier temps “Barry Seal : American Traffic” de Doug Liman, mais on préfère renverser le décor pour partir d’un territoire que l’on juge parfois hâtivement. Le sujet nous transporte dans la maîtrise de l’information et c’est à travers un réseau d’espions que l’on construit une bonne tension, mais pas toujours facile à suivre.
On ressent que les défis techniques se sont enchaînés et le réalisateur perd prise sur son montage. Le réalisme des plans ne rattrape pas tout, car en s’éloignant des supports connus, il s’est permis d’expérimenter afin de donner une identité à son oeuvre. Malheureusement, elle dépasse rarement ces scènes de haut vol, comme une désertion à la nage, des plans aériens généreux sur La Havane ou encore des scènes plus terre à terre dans cette cité touristique et stratégique. Et c’est ainsi pendant toute l’oeuvre qui joue lui-même un double jeu. On nous place dans un point de vue qui tranche évidemment sur les démarches gouvernementales dans ce contexte. L’Amérique, aussi jolie qu’elle soit filmée, possède son double tranchant et braque constamment sa population qui ne désire que la liberté. Et grâce au réseau cité, il est possible de comprendre la nécessité de cette dernière afin de freiner les agissements abusifs d’une nation sans limites, sans frontières.
Et au-delà des relations diplomatiques instables, on en vient au symbolisme, notamment celui d’une Amérique extravagante et négligente. Le rêve Américain est d’ailleurs représenté au sein du couple Juan Pablo Roque (Wagner Moura) et Ana Martinez (Ana de Armas). Au sommet de la réussite et son idéologie, l’ensemble tend inévitablement à son implosion, mais la mise en scène apporte très peu de subtilité à ces protagonistes, toujours au second plan. Pourtant, Juan avait tout pour satisfaire ce récit dans son aspect amoral, mais on se contente du peu, mais du peu qui fait du bien. C’est donc aux côtés d’une union convivial que l’on se rabat. René González (Édgar Ramírez) et Olga Salanueva (Penélope Cruz) est un couple qui navigue sur le ressort d’un amour inconditionnel et qui deviendra ambigu par la suite. Sur ce plan-là, il y a matière à brosser un portrait confus comme on les aime, mais cette confusion est détournée par les enjeux complexes et qui peuvent nous perdre dans le mélodrame. La dramaturgie n’est pas toujours bien servie et la succession logique des scènes en est la cause. Passé l’heure de vol, l’intrigue perd rapidement en saveur et tourne en rond. Le contre-espionnage ou la manipulation médiatique n’est qu’énoncé au lieu de suggérer et c’est bien dommage.
En somme, “Cuban Network” se révèle confus dans sa narration, mais promet du divertissement qui saura maintenir une certaine tension. Mais niveau mise en scène, c’est de ce côté-là qu’on sera le moins séduit. De la voix-off qui surexplique, sans pour autant interagir avec le public, à son lot de protagonistes qui se fondent dans la machinerie de la masse et de l’Histoire, le récit use de raccourcis qui vont dans le sens des castristes, mais qui heureusement, nuance les propos sur le dénouement. Bien entendu, le recul est de rigueur afin d’adopter les valeurs du film et de sa déconstruction des mythes, du moment que les négociations sont possibles entre le spectateur et cet écran qui manque de relief.