Nomades : les secrets du tournage

Olivier Coussemacq a passé les premières années de son enfance au Maroc, avant d'en être subitement arraché. Le metteur en scène se souvient :

"Ai-je fait le deuil de cette séparation, ou celui de cette mère qui toujours m'y ramène, emportée prématurément, tragiquement ? Lui ai-je concédé, façonné dans cette culture méditerranéenne où les mères étaient des mères avant d'être des femmes, le statut entier qui lui revenait de plein droit, l'autonomie et l'attention qu'elle méritait, quand bientôt, adolescent égocentrique tiraillé par l'appel de la vie et du désir, je la délaissai, la tyrannisai, possessif déjà absent et odieusement jaloux ?

"J'ai mis bien des années à retourner au Maroc. Je ne sais quelle mémoire j'allais raviver. Mais les mères aussitôt, m'y ont bouleversé. Elles ont cette force que ma mère n'avait pas, une force ancienne de résistance. Mais leurs douleurs silencieuses, leur sacrifice sont bien les mêmes. Dans les garçons en revanche, je n'ai pas reconnu celui que j'avais dû être, et d'autant moins que j'ai été frappé par la constance, l'intensité de leur désir d'exil, moi qui avais tant souffert de devoir partir."

"J'étais au pied de l'Atlas, là où enfant j'avais habité, quand j'ai aperçu une voisine qui pleurait. J'ai voulu savoir pourquoi. On m'a dit alors que son fils venait de se noyer en tentant de rejoindre l'Europe. Alors, prolongeant mes retrouvailles, j'ai voulu raconter une histoire. Et m'appuyant sur une mémoire non pas factuelle mais affective et sensorielle, je me suis autorisé à reprendre de mon point d'arrachement, sans qu'il soit question de nostalgie, mais d'une espérance ouverte sur le présent, d'un nouvel amour. Il serait une fois, au pays de mon enfance, une autre mère, un autre fils."

Olivier Coussemacq a choisi des comédiens amateurs pour jouer dans Nomades. "Ce sont des mois de préparation et de recherche qu'il aura fallu pour trouver les jeunes qui incarnent les trois frères, les cousins, leurs amis... Aucun d'eux n'était acteur ni n'avait d'expérience. De belles surprises en récompense, de nouveaux talents qui pour partie sont l'âme du film, aux côtés d'acteurs confirmés remarquables qui se prêtèrent au jeu difficile des essais pour parvenir aux meilleures combinaisons possibles", précise-t-il.

Pour le choix des décors, Olivier Coussemacq a aussi fait beaucoup de recherches. Le réalisateur explique : "Des milliers de kilomètres parcourus pour arriver à découvrir ne serait-ce que la ferme idéale du sud. Sans cliché touristique. Sans respect à la lettre d'une quelconque typicité régionale. Une résistance constante à Tanger à la mémoire coloniale, balisée et attendue, pour arriver plutôt à une représentation contemporaine de la réalité quotidienne marocaine."