"Is anybody else tired of reading the news instead of reporting it ?"
Suivant en parallèle les difficultés d'un grand quotidien local et l'un des grands scandales qui ont émaillé la présidence de Richard Nixon, The Post/Pentagon Papers replonge dans l'univers journalistico-politique du début des années '70 avec la guerre du Vietnam et pas mal de relents conspirationnistes (réels ceux-ci) en toile de fond.
D'entrée, la caméra de Steven Spielberg donne le ton en s'inspirant du style des films de l'époque qui l'a vu démarré sa propre carrière : travellings latéraux et parfois saccadés qui suivent les personnages, brouhaha de fond, plongées et contre-plongées et jeux d'ombres. Pour autant, son style propre se marie à cet exercice, certes pas trop difficile pour lui, notamment dans les gros plans rapprochés d'objets immobiles ou en mouvement, les documents secrets étant le grand MacGuffin parfait. Je note aussi ce sens aiguisé du suspense que Spielberg maîtrise, je dois le reconnaître, comme personne.
Le scénario, écrit par la débutante Liz Hannah et Josh Singer qui s'est fait connaître sur Spotlight (Tom McCarthy, 2015) traitant déjà d'une enquête journalistique d'ampleur, met l'accent sur la rivalité entre le Washington Post, alors encore quotidien de petite structure, et le New-York Times, référence essentielle du journalisme étasunien, dans une époque où les femmes et les hommes se séparent à la fin des dînerrs pour discuter, les unes de potins et de mode, les autres de géopolitique. Le focus est ainsi placé pour qu'on suive la narration à travers les personnalités de Katherine Graham (Meryl Streep), propriétaire du Post suite au suicide de son époux, mal assurée dans un monde d'hommes de pouvoir, et de Benjamin Bradlee (Tom Hanks), rédacteur en chef volontariste qui transformera durablement l'image du quotidien. Ce dernier rôle était par ailleurs campé par Jason Robards dans Les Hommes du Président (Alan J. Pakula, 1976), qui serait en quelque sorte la suite logique de ce Post/Pentagon Papers, puisqu'il traite du scandale du Watergate à travers l'enquête menée par les deux journalistes du Washington Post qui ont fait tomber Nixon.
Les dernières images sont en outre directement inspirées du début du film de Pakula.
Ainsi, plus que sur le scandale en lui-même, éventé dès le début des années '70 et qui a précipité les Etats-Unis vers la fin de la guerre du Vietnam et ébranlé la présidence, le film est un véritable hommage au journalisme à l'ancienne, de celui qui a mis la liberté d'informer au rang des droits fondamentaux. C'est aussi, à travers la prestation de Meryl Streep, un exercice féministe fin et qui touche.
Au final, The Post/Pentagon Papers est une oeuvre dense et fluide, remarquablement équilibrée, un morceau de maîtrise signé Steven Spielberg.