Coincé entre ‘Le Bon Gros Géant’ et ‘Ready Player one’, ‘Pentagon papers’ est la cuvée Spielbergienne “adulte� et plus ou moins engagée des deux dernières années, bien qu’on puisse tout de même y repérer quelques enfants, dans de courtes apparitions périphériques qu’il ne faudrait pas négliger, tant Spielberg, aujourd’hui surtout préoccupé de transmission et d’héritage, ne laisse rien au hasard, pas même au niveau des détails les plus infimes. On pourrait estimer que ‘Pentagon papers’ s’attarde sur un sujet trop intrinsèquement américain pour qu’on puisse se sentir concerné par lui depuis l’Europe : il y est question de la manière dont le Washington Post, au début des années 70, est passé du statut de petit organe de presse local à celui de leader d’opinion à l’échelon national, en publiant des documents confidentiels révélant l’ampleur de l’implication du gouvernement américain au Vietnam depuis la Présidence Truman 25 ans plus tôt et ce, alors même qu’ils n’étaient pas les premiers sur le scoop : le NY Times les avait devancés mais, restreint dans leur liberté d’édition par une injonction juridique, ils laissèrent le Post tenter sa chance face à l’administration Nixon. Evidemment, on comprend immédiatement que Spielberg s’efforce de créer un pont entre cette époque et la nôtre : dans les deux cas, un président aux réflexes autoritaires perçoit la presse comme une menace existentielle, tandis que la vérité se terre au milieu des rumeurs contradictoires, de la propagande et des fake news (Le secrétaire d’état McNamara qui annonce à la presse le succès de la politique américaine au Vietnam alors que l’énorme rapport qu’il vient de commanditer affirme juste le contraire). Il est dès lors facile au réalisateur de souligner l’importance démocratique que revêt un journalisme d’investigation réellement libre et à même de débusquer les mensonges d’état, même s’il note que les conflits d’intérêt entre les grands patrons de presse et les individus sur lesquels ils sont susceptibles d’enquêter un jour ou l’autre ne datent pas d’hier, qu’il s’agisse d’amitiés d’ordre privées ou d’ingérences financières. Assez curieusement, ce dont ‘Pentagon papers’ parle avant tout, c’est d’une femme, Katherine Graham, qui a hérité de son père - via son époux - le Washington post, de la manière dont elle doit constamment batailler pour imposer ses vues et ses choix dans un monde conçu par et pour les hommes et de la nécessité pour elle de composer pour pouvoir exister simultanément en tant que femme, mère et grand-mère, en tant que personnalité public et mondaine et en tant que détentrice d’un pouvoir décisionnel qui implique une entreprise et tous ses employés. Dans la course contre la montre aux rouages parfaitement huilés qui décidera de la révélation ou non au public d’informations confidentielles, c’est sa figure qui ressort nettement du lot, faisant de ‘Pentagon papers’ pas uniquement le plaidoyer politique et démocratique auquel on s’attendait mais également un manifeste féministe implicite.