L’idée originale du film est de Fanny Desmarès. Elle avait écrit la première mouture d’un film qui devait s’appeler Frère John. C’était une sorte de Sister Act revisité, l’histoire d’un chanteur mi has-been, mi-bobo parisien, qui, pour échapper à des « méchants », réussissait à se faire intégrer dans un groupe de prêtres qui partait en tournée. "Sur ce film, je devais être « script doctor ». Mais avec Fanny, nous avons convenus que cette mouture, déjà ancienne, avait besoin d’un bon dépoussiérage. Avec son accord, et tout en gardant son idée de départ, je suis alors reparti de zéro", confie le réalisateur Pierre Dudan.
Né en 1981 dans le Calvados d’une mère suisse et d’un père français, Pierre Dudan a commencé sa carrière à l’agence Quad. Il a ensuite travaillé à la télévision (France 2 et France 3) où il a exercé à peu près tous les métiers. Faute d’y décrocher un boulot qui lui plaît vraiment et qui lui permettrait de réaliser son rêve de faire du cinéma, il part en Asie où il reste près de dix ans. Quand il en revient, en 2012, il commence à écrire pour son copain de toujours Philippe Lacheau qui vient de sortir Babysitting. C’est le début d’une belle collaboration. Pierre collabore au scénario de Babysitting 2 (2014), puis à celui d’Alibi.com (2016). Christ(off) dont il a écrit le scénario sur une idée de Fanny Desmarès est son premier long métrage en tant que réalisateur.
Pierre Dudan revient sur son approche concernant l'histoire de Christ(off) : "Aujourd’hui, beaucoup de prêtres continuent à faire des choses formidables pour les déshérités. Mais comme ils le font anonymement, et sauf en cas d’assassinat, comme celui du Père Jacques Hamel en janvier 2016, on n’en parle moins, voire plus du tout, les médias et le cinéma - voir Spotlight - préférant parler, à juste titre d’ailleurs, des affaires de pédophilie qui secouent régulièrement l’Eglise. Moi, sans aucune visée prosélyte ni d’esprit de comparaison avec une autre religion, j’ai voulu rappeler, à travers une comédie d’aujourd’hui, que cette Eglise catholique abrite encore des gens à la fois aimants, généreux, drôles - volontairement ou non - et aussi, Dieu merci (rire !), imparfaits, malgré leurs voeux de pauvreté et chasteté. C’est en avançant dans l’écriture que je me suis dit qu’il serait marrant que mon personnage principal se transforme petit à petit en une réincarnation de Jésus. Qu’il serait peut-être aussi intéressant de donner un arrière-plan humaniste à mon histoire, d’où cette idée de tournée organisée pour récupérer des fonds en faveur d’Haïti qui est l’un des pays les plus pauvres du monde", analyse le cinéaste.
Pierre Dudan a choisi d'intituler son film Christ(off) car il aime bien les titres « jeux de mots ». "C’est mon côté ringard des années 80 ! (rire). Au départ, le personnage que joue Michaël Youn n’avait pas de prénom. Je pensais confusément lui donner celui d’un des apôtres. Quand le scénario a commencé à prendre forme, je me suis rendu compte qu’en fait, ce type, qui était au départ un loser, acquérait petit à petit la stature d’un Messie, un Messie d’opérette, mais un Messie quand même, un être qui va fasciner les foules au point de leur faire croire qu’il peut accomplir des miracles, ce qui, bien sûr, est un leurre. C’est en pensant à cela que le titre de Christ(off) m’est venu. Je trouve que, visuellement, il intrigue", explique le metteur en scène.
Pierre Dudan explique son choix d'engager Michaël Youn dans le rôle principal de Christ(off) : "Michaël, c’est comme si j’étais né avec. Quand j’étais jeune, j’adorais tout ce qu’il faisait, blagues, mimiques, interprétations… J’étais un fan absolu ! Quand il présentait Morning live sur M6, il arrivait à me faire sortir de mon lit à sept du mat ! Un exploit, puisque je suis un incorrigible lève-tard. Michaël est un immense acteur. Il peut tout jouer. Il a en plus un truc qui n’est pas donné à tout le monde : il n’a aucun problème avec son corps. Il s’assume complètement. Jouer tout nu ne le dérangerait pas. Sur un plateau, comme il est à la fois un acteur né et un cinéaste expérimenté, il apporte beaucoup, aussi bien des idées que des façons de tourner. Son énergie est débordante et communicative. Quand il m’a dit oui pour le rôle de Christ(off), j’ai été fou de joie. Je réalisais un de mes rêves de gosse", s'enthousiasme le cinéaste.
Pierre Dudan revient sur le travail concernant les choix musicaux sur le film : "La première chanson à laquelle j’ai pensé pour le film, c’est Alleluïa de Léonard Cohen. Etant donné son sujet, c’était une évidence ! (Rire). En plus c’était assez rigolo car c’est Michaël Youn qui devait l’interpréter, mais en la « cassant », puisqu’il joue un chanteur ringard. Comme dans la vie, Michaël est en fait un très bon interprète, il s’est éclaté à « déglinguer » ce tube mondialement connu. Dieu m’a donné la foi d’Ophélie Winter m’est venu ensuite à l’esprit. Je trouvais que ce titre des années 90 qu’on écoutait dans nos walkmans était pile pour le personnage de Jarry qui est un mec un peu old fashion. J’ai gardé ma chanson préférée pour la fin, J’ai vu Jésus, composée spécialement pour le film par les frères Colleu. Ces deuxlà, qui ont un talent fou n’avaient encore jamais travaillé pour le cinéma, mais ils en mourraient d’envie. J’ai écouté les musiques qu’ils avaient fait pour des pubs, ils m’ont emballé et je leur ai demandé de m’écrire un titre, un truc comme pour les films de gladiateurs, avec violons cordes et tout le tremblement. Ils ont lu le script et m’ont proposé cette chanson très… country, très folk. C’était tellement moderne et tellement inattendu, que j’ai dit banco."
Christ(off) est à la fois un road-movie, puisque on y fait le tour de France, et une comédie, selon le cinéaste Pierre Dudan. "C'est une comédie décalée, en raison de son héros, le Christ qui se réincarne sous les traits d’un « pauvre pêcheur ». Il y a des gens qui m’ont dit que le film leur rappelait les comédies italiennes des années 70, d’autres qu’il évoquait l’univers des Monthy Python, pour son côté « désacralisation des icônes ». Ces références m’ont plu. J’adore sortir des sentiers battus. Je préfère les nanars qui restent dans les mémoires, aux films moyens qui s’évaporent tout de suite des esprits. Être réalisateur, c’est imposer un ton, une marque de fabrique, une image. J’ai eu la chance ici d’avoir des producteurs géniaux qui m’ont laissé carte blanche pour faire le film que je voulais."