Thomas Lilti voulait depuis longtemps faire un film sur l’université et l’énergie des étudiants au travail. Le metteur en scène avait en tête une vision très cinématographique de ce que pourrait donner un long métrage centré sur ce thème. Il se rappelle : "Ça devait s’appeler « Panthéon-Sorbonne ». On était loin de la médecine. Mais l’idée de Première année a pris vraiment forme lors de la tournée des avant-premières de Médecin de campagne. Forcément, durant les débats avec le public, on n’arrêtait pas de me demander mon avis sur les raisons du manque de médecins dans les campagnes. Donc au fil de la tournée, j’en viens à la conclusion suivante : peut-être que le problème, ce ne sont pas les jeunes médecins, mais le système qui les forme. Là, tout d’un coup, j’ai l’impression que quelque chose se débloque. Parce que les études de médecine, je connais. Je sais ce qui marche, ce qui ne marche pas. Et j’ai l’intuition que ce que j’ai vécu, moi, en tant qu’étudiant, peut être le symptôme d’un problème plus vaste."
Quatre ans après Hippocrate, Vincent Lacoste et le réalisateur Thomas Lilti (qui avait aussi réalisé Médecin De Campagne) refont équipe pour un film en lien avec l'univers de la médecine. Après avoir plongé (avec succès puisque le film avait totalisé 954 723 entrées en salle et a valu au comédien une nomination au César du meilleur acteur en 2015) les spectateurs dans la vie d'un jeune interne en médecine, le réalisateur lève aujourd'hui le voile, avec Première année, sur la difficulté des études et le parcours semé d'embuches des aspirants médecins.
Vincent Lacoste retrouve William Lebghil après Jacky au Royaume des Filles, une comédie réalisée par Riad Sattouf sortie en 2014.
Contrairement à ses deux précédents films, Première année n’est pas directement un long métrage sur l’exercice de la médecine. Ce qui intéressait Thomas Lilti ici réside dans la jeunesse et la façon dont le système ne fait rien pour les aider et les mettre en valeur. Le réalisateur confie : "Je voulais raconter la violence et l’épreuve que sont ces grands concours qui déterminent toute une vie. Cette première année de médecine, complètement folle où on ne vit plus que pour quelques heures dans un centre d’examen, je l’ai vécue. La médecine n’est pas, ici, un prétexte mais plutôt un « contexte », une porte d’entrée qui doit permettre aux spectateurs de comprendre très vite le but des personnages. Un moyen de parler de cette « hyper compétition » dans laquelle notre époque nous oblige à vivre. On sort à peine du lycée et déjà le système des études supérieures nous met en compétition, nous classe, nous oppose."
Première année a, au départ, une structure de roman d’apprentissage très classique. On y suit Benjamin qui découvre l’univers de la fac de médecine via les conseils d’Antoine, un redoublant. Mais très vite, Thomas Lilti a choisi d’inverser les rôles. Il explique : "C’est le coeur du film. Montrer l’inégalité au coeur du système éducatif. Benjamin a les codes. D’ailleurs un personnage le lui dit à un moment. Même s’il est nouveau, très vite il se fond dans le moule, se laisse absorber par le système et comprend des choses qu’Antoine en deux ans n’a toujours pas intégrées. Ce n’est pas que Benjamin soit plus intelligent, non. Il a juste compris le système. L’ironie, c’est qu’il ne sait pas vraiment pourquoi il passe le concours de médecine, là où Antoine est prêt à tout sacrifier pour ça."
Au départ, Thomas Lilti s'est basé sur son vécu pour écrire Première année, mais il s'est vite rendu compte qu'il ne pouvait pas se permettre de raconter cette histoire du haut de ses souvenirs d’il y a plus de vingt ans. Le cinéaste est alors retourné sur les bancs de la fac – celle où il avait passé le concours, et s'est rendu compte à quel point les études de médecine sont au bord de l’implosion. Il raconte :
"Je n’avais pas un souvenir vraiment très chouette de cette année que j’avais vécue, mais ce que j’ai découvert était vraiment pire. Comme pour beaucoup d’autres filières, en plus de la difficulté du concours et de la pression, les étudiants doivent aujourd’hui se battre pour rentrer dans les amphis. Il y a beaucoup trop d’étudiants, pas assez de salles, pas assez de profs. C’est une vraie « boucherie pédagogique ». C’est devenu encore plus dur qu’à mon époque. J’ai donc mis mes souvenirs dans un coin et je suis allé à la rencontre de ceux qui venaient de passer le concours, de ceux qui venaient d’échouer et de ceux qui espéraient encore. C’est un travail de reportage, quasiment journalistique, pour bien comprendre l’état du milieu que je voulais raconter. Tous ces gens rencontrés sont dans le film. C’est important qu’ils soient à l’écran. Le film est vraiment un mélange de mon vécu et de ces rencontres."
Thomas Lilti a fait appel à LoW pour la musique de Première année. C’est sa troisième collaboration avec Alexandre Lier, Nicolas Weil et Sylvain Ohrel qui composent ce collectif fondé en 1998 et spécialisé dans les musiques de films. Le cinéaste et les musiciens ont voulu imaginer une bande originale qui exprime l’énergie, la générosité mais aussi la fragilité de la jeunesse sans nécessairement en emprunter les codes du moment. "Une musique aux teintes mélangées d’électro, de pop instrumentale, de piano classique et de guitare acoustique : juvénile sans être à tout prix une musique de jeune. Avant le tournage j’avais évoqué avec lui le croisement improbable entre La Boum et Rocky ! Derrière la plaisanterie se retrouve la volonté de faire vivre l'émotion à hauteur des personnages, sans ironie. La griserie de la connaissance, l’intensité des amitiés, le vertige de la compétition sont des sentiments qui traversent nos héros avec l'authenticité des premières fois. Nous avons voulu créer une musique qui s'inspirerait de ce mélange de sincérité et de simplicité", raconte Lilti.
Première année alterne des moments quasi-documentaires (les scènes d’examens, les cours) et des scènes très rythmées de révisions et de discussions. Thomas Lilti voulait que son film soit à la fois très naturaliste, très vrai et en même temps tout en tensions, comme un compte à rebours permanent. Le metteur en scène tenait aussi à filmer les vrais lieux : les amphis qui craquent, la bibliothèque, le centre d’examen de Villepinte, etc. Il explique :
"A un moment donné, on m’a dit : « Villepinte, ce n’est pas possible ». J’ai dit : « Sans ça, je ne fais pas le film ! ». C’était essentiel qu’on se rende compte de ce que c’est que de passer un examen dans cet immense espace vide et froid, de la tension qui règne, la foule qui vous entoure, le moindre bruit de stylo qui résonne… Il y a du cinéma dans ce moment-là. Evidemment, on n’a pas pu filmer le vrai concours. On a réussi à faire quelques plans larges, quelques effets de foule, mais pour les plans plus rapprochés, on a dû organiser « notre » concours. Que ce soit en termes d’écriture ou de mise en scène, mon cinéma c’est vraiment le mélange du documentaire et de la fiction. J’ai besoin du mélange du réel et du cinéma pour écrire mais aussi pour filmer. C’est quand j’essaie de mélanger les deux que quelque chose m’intéresse et me guide."