Alexandre Mourot voit la vision de la pédagogie propre à Maria Montessori comme étant contemporaine parce qu'elle est à la fois originale, spirituelle et universelle. La célèbre médecin et pédagogue italienne a tenu des discours très importants sur la paix dans le monde et pour le réalisateur, dans la période troublée que nous traversons, cette pédagogie va à l'essentiel en mettant au cœur de son projet l'autonomie et la confiance en lui de l'enfant.
"C'est aussi la seule créatrice d'une pédagogie nouvelle qui ait essaimé autant d'écoles à travers le mon de et sur tous les continents. Elle considère l'éducation non pas comme une transmission de savoir, mais comme une aide au développement psychique de l'enfant. Ce point e st tellement déterminant, tellement actuel ! Qu'il s'agisse de réforme de l'école, de l'analyse de l'impact de l'arrivée des nouvelles technologies dans les écoles, ou de formation des maîtres ... cette thèse gagne à être méditée. Seul l'enfant, disait-elle, peut nous guider, nous obliger à nous dépasser, nous élever spirituellement... C'est extrêmement fort cette idée, non ?", développe-t-il.
Alexandre Mourot a posé sa caméra dans une école à Roubaix. Le metteur en scène avait visité et observé le fonctionnement de 22 écoles Montessori, aux quatre coins de la France, avant de retenir celle de la ville du département du Nord. Ce sont principalement l'ambiance, les enfants, les qualités pédagogiques et humaines du maître qui ont poussé Mourot à choisir cette école. Il précise :
"L'école Jeanne d'Arc est une école privée sous contrat qui pratique la pédagogie Montessori depuis 1946 en maternelle et primaire. C'est même la plus ancienne de France. Elle a été fondée par des sœurs dominicaines et les plus âgées d'entre - elles se sont formées directement auprès de Maria Montessori. L'école accueille aujourd'hui 650 enfants. La classe que j'ai choisie est celle de Christian Maréchal, une classe maternelle de 28 enfants âgés de 3 à 6 ans. Christian Maréchal est non seulement éducateur, mais forme à la pédagogie Montessori en France et en Suisse au sein d'organismes de formation validés par l'Association Montessori International e (AMI). L'école est située au centre de Roubaix. Elle accueille des enfants de milieux sociaux très divers. C'est par conséquent une situation moyenne. Sans être une école exclusive pour enfants de milieux très favorisés, ce n'est ni une école rurale où tout le monde se connaît, ni une école de ZEP où les familles cumulent beaucoup de difficultés économiques, sociales ou linguistiques. Ces éléments étaient très importants pour moi."
Anny Duperey incarne la voix de Maria Montessori. Alexandre Mourot a ainsi choisi d’accorder une place importante à la voix-off (la sienne pour introduire le film mais surtout celle de Montessori) dans Le Maître est l'enfant pour faire entendre l'élan de sa parole. Le metteur en scène explique :
"La plupart des textes qui nous restent d'elle sont des conférences. C'était une oratrice. J'ai apprécié et voulu rendre ce style puissant qui traduit une pensée ambitieuse. Elle parle d'éducation cosmique. Elle insère chacune de ses préconisations pédagogiques dans une large réflexion non seulement sociale ou politique, mais humaniste, civilisationnelle... C'est frappant. Sa voix a donc une grande importance dans le film. C'est Christian Maréchal qui a pensé à Anny Dupery, son histoire personnelle, sa sensibilité à l’enfance, elle s'est rapidement imposée comme une évidence. Et par chance, elle a tout de suite accepté !"
Le film film précédent de Alexandre Mourot, "Poubelles et sentiments", était un documentaire à la recherche des fantômes qui accompagnent les objets lors de leur dernier voyage à la décharge. Le cinéaste confie : "Ce premier film traduisait ma curiosité pour notre attachement aux objets tout autant que pour le devenir des objets. Je me demandais quels sentiments de tristesse ou de libération, quels troubles pouvaient saisir les dépositeurs d'objets, qui coupaient ainsi court à une histoire de vie commune. Mais, en allant à la décharge de Montreuil pour tourner, je m'intéressais aussi au devenir des objets, à la question des déchets de notre société follement matérialiste."
Le film se passe dans le huis-clos d'une salle de classe mais s'intéresse aux adultes et aux citoyens du monde de demain, au travers de la question du respect et du développement de l'enfant. "Les défis de l'éducation, de la citoyenneté, de la paix, du respect des hommes et de la planète accompagnent toute l'œuvre de Maria Montessori et traversent aussi mon film me semble-t-il. N'oublions pas que cette dernière est née en 1870 et a vécu jusqu'en 1952. Elle a traversé une période particulière ment agitée, la montée du fascisme en Italie puis en Espagne l'ont contrainte à deux exils successifs. Elle a connu deux guerres mondiales !", précise Alexandre Mourot.
Alexandre Mourot a choisi une classe composée d'enfants de 3 à 6 ans et d'un maître reconnu pour ses qualités pédagogiques et son engagement. "Son ouverture à mon projet, nos discussions sur nos motivations personnelles et nos ambitions pour les enfants nous ont rapprochés", confie le cinéaste, qui poursuit : "Son ouverture à mon projet, nos discussions sur nos motivations personnelles et nos ambitions pour les enfants nous ont rapprochés. Je n'ai pas choisi le s enfants, pas plus que je ne me suis explicitement tourné vers certains d'entre eux durant le tournage. Je venais tourner très régulièrement à Roubaix, pour autant je ne savais jamais ce qui allait se passer. C'est le principe de la méthode qui veut qu'il n'y ait pas d'organisation type de la journée, d'activité décrétée. C'était une vraie difficulté pour moi. Je devais être à l'affût, improviser, seul, avec tout mon matériel, les conditions de lumière... Il est vrai que certains enfants deviennent de véritables personnages dans le film. J'ai eu la chance de saisir des moments magiques de leur apprentissage. Ceux-là même que l'éducateur attend patiemment, essaye de favoriser. L'enthousiasme d'une découverte, de la lecture ou d'un verser de riz. Les yeux brillants d'extase. Des scènes comiques, tendres, d'abandon. J'ai aussi vu des enfants hésiter, errer longtemps avant de se lancer. On les voit aussi à l'écran, observateurs des scènes filmées. Mais le spectateur leur accorde un statut de figurant. C'est une logique de lecture de l'image. Pas une volonté de ma part. Certains enfants semblent véritablement incarner les bienfaits de la méthode, par leur indépendance, leur enthousiasme, leur sens de la relation à l'autre, leur discrétion."