Six ans après Je me suis fait tout petit, son premier long métrage, Cecilia Rouaud aborde à nouveau le thème de la famille. La réalisatrice explique : "La famille est un sujet qui m’intéresse beaucoup, j’ai eu envie de m’y immerger une nouvelle fois. J’ai le sentiment que nous sommes tous durablement marqués par notre histoire familiale ; elle est plus ou moins simple, plus ou moins compliquée, mais toujours étroitement liée à ce que nous sommes et aux choix que nous faisons. J’ai l’impression qu’on finit tous par y revenir, et qu’on ne s’en sort pratiquement jamais. J’avais envie réaliser un film qui raconterait comment, potentiellement, on pourrait s’en sortir…"
Photo de famille démarre et s’achève sur une scène d’enterrement, la première symbolisant l’éclatement de la famille, la seconde sa réconciliation, comme si chacun des membres s’était subtilement déplacé de son petit cercle. "Le film est construit comme ça. A partir d’un élément déclencheur- cette vieille dame qui veut aller mourir dans son village-, chaque personnage va enclencher chez lui et chez les autres un processus qui va leur permettre à tous de se réparer. Mais cela vient de mille endroits et de mille façons", confie Cecilia Rouaud.
Déjà, dans Je me suis fait tout petit, Cecilia Rouaud avait choisi la comédie pour traiter un sujet grave. La cinéaste raconte : "C’est ma façon de communiquer dans la vie. Et ça correspond au cinéma que j’aime. Je suis totalement fan des premiers films de Woody Allen qui est selon moi le summum du « rire avec tout ». J’adore les films de Pierre Salvadori, ceux de Noah Baumbach et Sam Mendes, tout ce cinéma américain indépendant qui sait si bien filmer l’entre deux – le malaise et le rire, la joie et le chagrin, le drôle et le tendre. Avec « Photo de famille », il s’agissait toujours d’être « sur la ligne »."
Avec Photo de famille, Cecilia Rouaud retrouve Vanessa Paradis qu'elle avait déjà dirigée dans Je me suis fait tout petit. La réalisatrice a écrit le personnage de Gabrielle, la grande soeur qui répare les choses en permanence, pour la comédienne. "J’imagine qu’elle a passé son enfance à faire en sorte que tout se passe bien et que tout le monde s’entende ; calmer les colères de sa soeur Elsa, apaiser les angoisses un peu morbides de son frère Mao… Elle s’efface, elle essaie d’exister et de demander le moins possible. Et si les autres ne lui donnent rien, c’est parce qu’ils ne l’entendent pas. Dans le film, sa trajectoire consiste à se reconnecter avec elle-même – retrouver son désir de femme à travers cette pulsion physique qu’elle éprouve au contact d’un homme plus jeune qu’elle, et qui n’est autre qu’une pulsion de vie", précise Rouaud.
Dans Photo de famille, le personnage de Vanessa Paradis fait la femme-statue le long des rives de la Seine à Paris. Cecilia Rouaud explique comment lui est venue cette idée : "Cela m’amusait que le personnage prenne au pied de la lettre la promesse qu’elle s’est faite de ne pas bouger pour que son fils puisse toujours savoir où elle est - les mères seules tiennent particulièrement à sécuriser leurs enfants ; elle, elle va jusqu’au bout, jusqu’à l’absurde. Une de mes amies qui pratique ce type de spectacle vivant m’en a parlé comme d’un don qu’elle fait aux passants et cela m’a confortée dans mon envie de travailler là-dessus. Et puis cela s’accordait au langage corporel de Vanessa, toujours très posée, très gracieuse."
Alexis Kavyrchine a signé la photographie de Photo de famille. En découpant le film, Cecilia Rouaud a appris avec lui à chercher le coeur de chaque scène et à trouver la manière adéquate de les filmer. La réalisatrice se rappelle : "Nous sommes arrivés au tournage très préparés ce qui nous a donné énormément de liberté. Nous avons beaucoup tourné caméra à l’épaule parce que je voulais que les comédiens jouent tout le temps. Cela participe au niveau de jeu. Personne ne lâchait rien. Alexis travaille vite, éclaire vite, il peut travailler une journée à l’épaule ce qui me donnait, là encore, une grande liberté et qui m’a fait, je crois, beaucoup progresser, par rapport à mon premier film. J’ai appris à utiliser la vraie matière, les vrais gens, l’émotion du moment ; plus seulement à chercher à recréer ce que j’avais fantasmé. Il fait aussi une lumière que j’adore parce qu’elle magnifie subtilement le réel."