Pour la plupart des cinéphiles, le nom de Barbet Schroeder évoque irrémédiablement le film "More", film sorti en 1969, en pleine période hippie, et dont la bande sonore, œuvre des Pink Floyd, est une des plus connues de l’histoire du cinéma. En fait, ce réalisateur, donné comme suisse, français et iranien selon les sources, a à son actif une filmographie longue comme le bras, dont un certain nombre de documentaires. Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2017, "Le vénérable W." est un de ces documentaires et c’est le troisième volet, après "Général Idi Amin Dada : Autoportrait" (1974) et "L’avocat de la terreur" (2007), consacré à Jacques Vergès, d’une trilogie que Schroeder lui-même qualifie de « Trilogie du mal ».
Ce "vénérable W.", c’est U Wirathu, un moine bouddhiste de 48 ans, membre influent du mouvement d’extrême-droite Ma Ba Tha (Comité pour la protection de la race et de la religion), leader du mouvement islamophobe 969, un homme qui, depuis des années, attise les haines entre les communautés dans un pays qui s’ouvre très timidement à la démocratie et qui voit la Prix Nobel Aung San Suu Kyi devoir faire de nombreuses concessions à une armée toujours très puissante. En 2003, Wirathu a été condamné à 25 ans de prison pour incitation à la haine et au conflit religieux. Il a été libéré en janvier 2012, lors d’une amnistie générale.
Depuis cette libération, ce moine appelle au boycott des magasins musulmans partout où il va, il s’est félicité de l’élection de Donald Trump et nul doute qu’il se serait réjoui de voir Marine Le Pen arriver à l’Elysée. A sa suite, une minorité de bouddhistes fait vivre un véritable enfer aux musulmans vivant dans ce pays : politiques discriminatoires, assassinats, destructions de villages et de mosquées. Ce moine, Barbet Schroder a réussi à le rencontrer et, de cette rencontre, est né un film qui fait froid dans le dos tout en ayant le mérite de renverser des jugements bourrés d’a priori, du genre bouddhiste = gentil et musulman = méchant en puissance. Malgré les difficultés rencontrées par Barbet Schroeder pour filmer "Le vénérable W.", ce documentaire s’avère remarquable et particulièrement passionnant.