Pour son premier film, Elsa Diringer a fait appel à Rod Paradot, un jeune acteur déjà confirmé tant il avait impressionné en jouant le personnage central de « La Tête Haute » (2015) d’Emmanuelle Bercot, et à Laëtitia Clément, une débutante qui livre une prestation confondante de justesse dans un rôle qui exige pas mal de subtilité.
Elle, c’est Luna, et lui, Alex, et leur première rencontre se déroule dans un lieu sordide et de la manière la plus avilissante qui soit. Luna a pour petit ami Ruben (Julien Bodet), un macho dont on devine qu’il ne fait pas grand cas de sa conquête, sinon peut-être dans la mesure où elle flatte son petit orgueil de mâle. Toujours est-il que c’est à l’occasion de l’anniversaire de ce dernier que tout dérape et qu’intervient l’événement qui marque de son empreinte tout le film. Ruben, ses potes ainsi que Luna, tous ont abusé de l’alcool lorsqu’ils s’en prennent à Alex, rencontré par hasard dans un lieu retiré. Excité, enivré, le groupe s’en prend à l’intrus au point de l’humilier et de le violenter : c’est Luna elle-même qui baisse le pantalon du garçon tandis que Ruben entreprend son viol.
Or, quelques semaines plus tard, alors qu’elle a pris ses distances d’avec Ruben et qu’elle est tout heureuse d’avoir trouvé un emploi stable dans une exploitation maraîchère, Luna retrouve le garçon qu’elle avait contribué à outrager. Alex, lui aussi, a été embauché dans ce même lieu. La reconnaît-il ou pas ? On ne le sait pas, d’autant plus que la jeune femme a quelque peu changé de style ou, en tout cas, de coiffure. Néanmoins, la première réaction de Luna est la peur, au point qu’elle essaie d’éloigner le garçon en lui faisant perdre son travail.
Mais les choses changent rapidement : Alex se manifeste comme quelqu’un de sensible et d’affable, capable de délicatesse, passant ses loisirs avec un ensemble de musiciens amateurs, etc. Tout le contraire de Ruben ! Entre Luna et Alex se noue une idylle. Les instants de complicité, les gestes de tendresse se multiplient. Du côté de Luna, on le pressent tout de même, cette intimité ne va pas de soi : la jeune femme culpabilise, elle ne peut gommer de son esprit les blessures et les humiliations infligées au garçon et, d’une certaine façon, il y a dans son aventure avec Alex quelque chose de l’ordre d’une réparation.
Comment une telle idylle peut-elle perdurer tant qu’elle reste fondée sur du mensonge ou, en tout cas, sur du non-dit ?
La réalisatrice conduit habilement son récit vers de nécessaires aveux et, qui sait, un chemin de pardon. Alex, le garçon offensé, s’il ressent en son être un penchant vers la revanche, démontre surtout son aptitude à la bienveillance. Tout en se fondant sur un événement douloureux et très sombre, le film avance de la manière la plus habile vers quelque chose de lumineux et de beau, tout simplement.