A 38 ans, le réalisateur mexicain Michel Franco peut déjà être considéré comme un vieux routier du Festival de Cannes : ses débuts sur la Croisette datent de 2009, avec "Daniel & Ana", son premier long métrage, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. En 2012, "Después de Lucía" obtient le Prix du Jury de la sélection Un Certain Regard. En 2015, c’est la consécration avec "Chronic" : sélectionné pour la compétition officielle, ce film obtient le Prix du scénario. Cette année, il était de nouveau à Cannes, dans la sélection Un Certain Regard, avec "Les filles d’Avril", et à la clé, de nouveau, le Prix du Jury.
C’est avec un sentiment de surprise qu’on entre dans "Les filles d’Avril" : connaissant l’œuvre de Michel Franco, sorte de Haneke mexicain, on s’étonne qu’un tel sentiment de douceur envahisse le début du film. Que lui est-il donc arrivé ? C’est ainsi qu’on rencontre Valeria, une jeune fille de 17 ans qui vit avec sa sœur Carla, une jeune femme neurasthénique dont le seul but dans l’existence semble être de perdre du poids. Détail important : Valeria s’est retrouvée enceinte des œuvres de son petit ami Mateo et le jeune couple a tenu à garder le bébé. Serions nous donc partis vers la peinture gentillette des problèmes rencontrés par un très jeune couple avec l’arrivée inattendue d’un enfant ? Eh bien non, car Michel Franco, visiblement, s’est amusé à nous prendre en traitre et, petit à petit, par touches progressives, il va redevenir le Michel Franco que l’on connait, grâce à l'arrivée d'Avril, la mère de Valeria et de Carla, grâce à la perversité de son comportement : le Michel Franco qu’on aime … ou qu’on n’aime pas !
L’idée de l’histoire racontée dans "Les filles d’Avril" est venue à Michel Franco de deux observations : tout d’abord, la rencontre dans la rue d’une adolescente enceinte qui lui est apparue comme, à la fois, pleine d’espoir et terrorisée à l’idée d’affronter les conséquences de son futur accouchement ; ensuite, l’observation faite couramment des relations conflictuelles que certains parents ont avec leurs enfants, en particulier lorsqu’ils refusent le fait de vieillir. A partir de ces points de départ, on peut faire confiance à Michel Franco pour construire un film dérangeant sans jamais être glauque, un film qui, jusqu’au bout, va réserver son lot de surprises.
Michel Franco est un réalisateur qu’on retrouve toujours avec plaisir. Dans "Les filles d’Avril", il commence par nous surprendre en ne montrant que des gens « anormalement normaux » pendant de nombreuses minutes. Mais on ne perdait rien pour attendre et la suite, connaissant l’individu, est à la hauteur de nos espérances, avec une très grande Emma Suárez dans le rôle principal.