L'Américain Joshua Z. Weinstein vient du documentaire et a beaucoup voyagé à travers sa carrière, notamment en Ouganda, en Inde, au Japon ou encore aux Philippines. Le metteur en scène a voulu réaliser un film centré sur le milieu hassidique new-yorkais parce qu'il s'agit selon lui d'un univers noble, à la fois éloigné et proche. Il explique :
"Je me disais que cela faisait partie de moi, que les hassidim sont un peu mes frères : je suis juif, ils sont juifs. Mais rien ne nous relie si ce n’est nos racines. Il y a quelques années, on aurait été dans les mêmes endroits, nos racines plantées dans le même sol, mais là, nous sommes comme déconnectés les uns des autres. Pour moi, le cinéma est un moyen de comprendre ceux qui nous semblent différents, étrangers. J’ai fait ce film pour approcher cette différence. Je pense que l’émotion que procure le cinéma donne accès à la vérité, ou bien qu’elle est une part importante de la vérité. Ce film était une façon de comprendre la société et en particulier le microcosme hassidique – auquel je suis attaché – tout en épousant des problématiques plus larges. Le but était de comprendre dans quelle société évolue Menashé, qui a un point de vue singulier, unique et très particulier, car il ne se fond pas totalement dans le milieu hassidique."
Brooklyn Yiddish est inspiré de la propre vie de Menashé Lustig. Dans un premier temps, Joshua Z. Weinstein s'est immergé dans le milieu hassidique, dans les cafés. Le cinéaste est allé prier avec des personnes rattachées à cette religion et s'est fondé dans le décor. Il a ensuite expliqué aux gens qu'il cherchait des acteurs pour jouer dans un film, mais personne n'a voulu tenter l'expérience. Il a alors rencontré un ami qui fait des vidéos et des clips musicaux au sein de la communauté et qui lui a présenté Menashé. Joshua Z. Weinstein se rappelle :
"On a fait des tests avec lui devant la caméra et ça a immédiatement fonctionné. Les gens le voyaient comme un nouveau Charlie Chaplin. Régulièrement, il fait des animations dans les fêtes religieuses, mariages et bar-mitsva... Il était d’emblée très drôle mais j’ai vu dans son regard quelque chose d’autre : tant de peine. Il me semblait si vulnérable mais avait une présence d’une rare intensité. Il savait être présent, juste présent. Alors j’ai su que j’allais faire ce film avec lui, avec son histoire à lui. Nous avons beaucoup parlé, il m’a raconté son histoire : la mort de son épouse et la perte de la garde de son fils. C’était à la fois spécifique aux pratiques de cette micro-société hassidique et en même temps, totalement universel : la paternité, se faire arracher son fils et essayer de tout faire pour le reprendre."
Menashé Lustig vit à New Square (New York). C’est un fervent disciple du rabbin Twersky, le Grand Rabbin du Mouvement hasidique. Menashé a vécu à Londres pendant sept ans. Après le décès de sa femme, il est revenu à New Square pour travailler comme épicier. Le film se réfère en grande partie à sa propre histoire.
Admiratif du néo-réalisme, de la Nouvelle Vague française et du Nouvel Hollywood, Joshua Z. Weinstein aime le cinéma-vérité que l'on retrouve chez des réalisateurs comme John Cassavetes, Martin Scorsese ou les frères Dardenne."J’aime les films qui vous font éprouver une émotion forte, non factice ou fabriquée, pas une image de façade ou artificielle, et les films qui ont une certaine distance humoristique. Ce qui m’a plu dans Toni Erdmann c’est que l’on ressent cet humour derrière des choses plus graves : c’est un humour qui témoigne de l’ironie de la vie. Je crois en fait que si vous ne riez pas des sujets un peu lourds, il y a quelque chose qui ne va pas chez vous."
Brooklyn Yiddish est avant tout le portrait d'un homme qui témoigne aussi bien des aspects négatifs que des aspects positifs des personnages et du hassidisme. Joshua Z. Weinstein raconte : "J’ai cherché à montrer des choses pénibles aussi : les femmes qui n’ont pas le droit de conduire, les abus de pouvoir... mais cela passe en arrière-plan car ce n’est pas l’histoire que je devais raconter. Cela en fait partie mais comme toile de fond car je suis conscient des aspérités du sujet. Evidemment, j’aurais pu faire un film sur les travers du hassidisme, mais il existe tant de belles histoires à raconter qu’il est dommage de ne pas le faire – et je n’avais jamais vu cette histoire racontée au cinéma. Il est important de raconter des histoires inédites. Je me devais de raconter une histoire qu’on avait encore jamais vue au cinéma. C’est ça qui m’excitait, m’enthousiasmait."