Transit est l’adaptation du roman éponyme de l’écrivaine Anna Seghers publié pour la première fois en 1944. Femme de lettres allemande juive et communiste, Anna Seghers est arrêtée puis relâchée par la Gestapo. Sous le régime nazi, ses livres sont interdits et brûlés. Elle fuit à Paris puis Marseille et trouve refuge au Mexique avant de retourner à Berlin à la fin de la guerre.
Transit a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographique en 1990 par René Allio.
Le réalisateur Christian Petzold a découvert le roman Transit par le biais du cinéaste Harun Farocki, scénariste de son précédent long métrage Phoenix et consultant sur Barbara : "Harun est né en 1944 dans les Sudètes, alors que ses parents s’enfuyaient, et je crois qu’il a toujours tenté de retrouver une référence aux années 20, à des auteurs comme Franz Jung, Georg Glaser ou Anna Seghers. Tout ce qui a existé avant le fascisme, au fond, c’est comme une patrie perdue. Et Transit est un livre écrit au moment du passage entre les deux."
Transit devait initialement se dérouler en 1940, à l'instar du roman dont il est tiré. Mais le réalisateur s'est rendu compte au cours de l'écriture qu'il n'était pas intéressé par l'idée de faire un film historique : "Je ne voulais pas reconstituer une époque. Nous avons des réfugiés partout dans le monde, nous vivons dans une Europe où les nationalismes ressurgissent (...)." Il poursuit : "j’avais simplement essayé de me représenter ce que cela donnerait si je montrais les mouvements des réfugiés dans la Marseille d’aujourd’hui, mais sans les problématiser. Et cela ne me gênait pas du tout. (...) Et ça me dérangeait que cela ne me dérange pas. Cela voulait dire pour moi que les tentatives de fuite, les angoisses, les traumatismes, les histoires des gens qui étaient coincés à Marseille il y a 70 ans sont immédiatement compréhensibles. Elles n’ont absolument pas besoin d’explications. Cela m’a surpris."
Transit est filmé en Cinémascope car le réalisateur souhaitait que les personnages ne communiquent pas seulement par le dialogue mais par leurs mouvements et leur place dans l'espace : "Le Cinémascope permet d’avoir cet espace pour les mouvements, ainsi nous avons pu tourner de longs plans-séquence et suivre la chorégraphie des comédiens."
Le réalisateur a souhaité s'affranchir de la narration à la première personne utilisée dans le roman car selon lui, ce mode de narration fonctionne à l'écrit mais est difficilement transposable à l'écran : "J’ai de grosses difficultés avec les récits à la première personne au cinéma. Je n’y crois pas. Dans un roman, un narrateur se tourne dans sa solitude vers un lecteur tout aussi solitaire. Au cinéma, un narrateur à la première personne ne s’adresse pas à un sujet solitaire, mais à un espace, à l’espace des spectateurs."
Christian Petzold a choisi Paula Beer sur les conseils de François Ozon : "François m’a autorisé à regarder des rushes de son film Frantz avant qu’il sorte, et j’ai été très impressionné. Paula a 22 ans, je ne sais pas où elle va chercher cette maturité. Elle a une expérience de la vie et en même temps un charme juvénile que je n’avais encore jamais vu."
Le propos de Transit entre en résonance avec l'actualité et le problème des migrants. Le réalisateur a cependant tenu à être prudent et à ne pas faire de parallèle entre son oeuvre et la réalité : "au moment où nous préparions Transit, la « jungle » de Calais a été évacuée. Et certains disaient : « Il faut que vous filmiez ça, vous devez montrer les migrants africains, les bateaux, les cadavres rejetés par la mer à Lampedusa ». Mais c’est impossible. Je ne peux pas filmer des migrants africains, je n’ai pas le droit de faire ça. Je ne sais pas ce que c’est. Ce que nous avons dans le film, c’est le Maghreb à Marseille, mais ça fait partie de la ville, de l’histoire coloniale française, qui est bel et bien là. Notre travail a consisté à construire l’espace du récit autour de ce qui est là."