Phong est en fait une amie du producteur des réalisateurs Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet, lequel les a contactés pour faire un film sur l'histoire de cette personne transgenre. "Comme j’étais à Paris où je terminais la post-production de notre film précédent, Thao a rencontré Phong seule. Elle m’a appelée pour me dire qu’on ne pouvait pas faire ce documentaire. C’était une trop grosse responsabilité pour nous, compte tenu de l’état de solitude et de tristesse de Phong à l’époque. De retour au Vietnam, nous avons revu Phong avec notre producteur. Il nous a expliqué que cette histoire nous offrait l’opportunité de parler plus globalement de la société vietnamienne, de la famille, du genre qui sont des thèmes qui s’inscrivent davantage dans notre univers. On a alors accepté, tout en sachant que c’était une grande responsabilité vis-à-vis de Phong", se rappelle Swann Dubus-Mallet.
Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet ont fait le choix d'ouvrir Finding Phong sur le journal intime de Phong. La raison ? Cette période du journal filmé coïncide avec celle où Phong progresse dans son désir et sa réflexion par rapport à son changement de sexe. Swann Dubus-Mallet précise à ce sujet :
"La période du journal filmé coïncide avec celle où Phong progresse dans son désir et sa réflexion par rapport à son changement de sexe. C’était une période où elle était très malheureuse et fermée aux autres. Le début du film est très marqué par cette forme. Le récit suit une ligne chronologique. Elle parle à sa mère comme à un interlocuteur un peu rêvé. Ensuite, cette forme va disparaître, à mesure qu’elle entrevoit le bout du tunnel avec son opération en Thaïlande. Elle nous a dit qu’elle avait envie de vivre, de sorte que se filmer devenait un poids. elle nous a demandé de prendre le relais à ce moment-là. C’est pour cela qu’au début, la forme du journal filmé est très présente et qu’elle s’efface petit à petit."
Le tournage de Finding Phong a duré deux ans. Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet ont continué à tourner un an après l’opération de Phong. Ils n'ont cependant pas souhaité intégrer l'opération au film pour laisser Phong se reposer et ne pas la gêner avec une caméra. Phuong Thao Tran explique : "Il lui fallait plus de temps pour vivre sa vie de femme et pour prendre de la distance. De cette manière, elle a pu trouver les mots justes pour raconter ses expériences. Cette année supplémentaire nous a permis de trouver la fin du film."
Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet nous en disent plus par rapport à leur manière de travailler ensemble. "On a une séparation naturelle des tâches car Thao est une femme et moi, un homme ! Nous sommes en train de co-réaliser en ce moment même notre troisième film sur des ouvriers qui travaillent sur des chantiers. Le soir, je peux rentrer dans les tentes et boire des coups avec eux, là où pour une femme au Vietnam, ce serait compliqué. Tout le monde serait mal à l’aise. De la même manière, je ne me serais pas vu à discuter avec trois femmes, allongé sur un lit avec elles, comme on peut le voir dans le film", explique le premier. La seconde poursuit : "J’ai fait un film sur la toxicomanie et l’épidémie du HIV et on ne m’a jamais parlé comme on parlait à Swann. Le fait qu’il soit un homme libère la parole."
Lorsque Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet ont commencé le film, les transsexuels au Vietnam (d’où Phong est originaire) servaient d’attractions dans les foires d'après leurs dires. A cette époque, ils étaient donc très marginalisés mais les choses ont rapidement évoluées. Les deux réalisateurs développent :
"Ils étaient très marginalisés à l’époque. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Phong a vraiment de la chance car elle est protégée par sa famille qui est très respectée. Ce qui fait que dans cette petite ville de province où vivent ses proches, elle n’a pas subi de discriminations. Au sud du Vietnam, à Saïgon, les trans sont acceptés depuis plus longtemps que dans le nord du pays. Ils occupent des fonctions dans la société. Ils chantent et dansent lors des funérailles. Les fêtes foraines dont parle Thao leur permettent de survivre et d’avoir malgré tout une visibilité. Les Ong ont fait un vrai travail éducatif qui a contribué à faire évoluer les mentalités."
Finding Phong est devenu un film politique une fois achevé. Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet l'ont montré à des députés vietnamiens qui étaient en train de réfléchir à une loi, permettant aux transgenres de modifier leur identité sur leurs papiers... Ils se souviennent : "Et pour faire retirer également la clause d’interdiction relative au changement de sexe. La commission a voté la loi et quelque part, notre film y a contribué. La mère de Phong a aussi été invitée à rencontrer des élus. Depuis, Phong est devenue militante. Notre film n’est pas polémique, ni contestataire. il s’intéresse à un cas et n’a pas vocation à parler de tous les transgenres au Vietnam. c’est juste une histoire au Vietnam. A travers ce cas, on veut montrer la société vietnamienne dans toutes ses contradictions, ces changements et ses valeurs."