Je suis toujours friand des films issus d’Israël, chaque film est un enseignement sur une tranche de vie de ce petit pays encerclé de pays hostiles. De « Jaffa » à « La visite de la fanfare », de «Cupcakes » à « Mon Trésor », de « Le procès de Viviane Amsalem » à « Désengagement », de « Kadosh » à « Les citronniers ». Ca ne parle pas nécessairement que de la communauté juive, ça concerne aussi la communauté musulmane et par voie de conséquence la société israélienne dans sa globalité. « Je danserai si je veux » concerne la communauté palestinienne quelle soit musulmane ou chrétienne. « Je danserai si je veux », on doit entendre : « Je veux vivre ma vie comme je l’entends, moi palestinienne ! ». Je lui préfère le titre anglais traduit de l’arabe, « In Between ». Le récit : trois jeunes palestiniennes vivent en colocation à Tel Aviv et tentent de vivre loin des conventions inhérentes à leurs origines. Trois portraits de jeunes femmes que d’aucuns qualifieront de classique : deux femmes libérées dont une lesbienne et une femme attachée à sa religion. Sa tenue vestimentaire l’atteste. Est-ce elle qui détonne ou les deux jeunes femmes « libérées » ? Le récit est classique, c’est vrai. On l’a vu mille fois et sous toutes ses formes. Seulement, le récit nous est conté par une réalisatrice palestinienne. Ce déjà-vu-mille-fois se situe dans une communauté palestinienne. Ce n’est pas anodin. Et d’un autre côté, on ne devrait pas s’en formaliser, cette tranche de vie rassure car elle ressemble à d’autres milliers de tranches de vie dans le monde. « In Between » ne signifie pas trouver sa place entre la communauté juive et la communauté musulmane dans l'Etat d'Israël ; cela signifie comment une palestinienne peut revendiquer son droit à vivre librement, comme femme libre ou libérée, loin de toutes contraintes religieuses dans son monde musulman. Une religion faite pour les hommes, appliquée par les hommes. Le choix de Tel Aviv n’est pas un hasard pour la réalisatrice, Tel Aviv est une ville ouverte, dite tolérante et paisible, aux accents occidentaux, où la jeunesse de la société israélienne semble s’épanouir parce qu’elle s'efforce de s'éloigner des conflits liés à l’Etat d’Israël. Une ville universitaire, culturelle où la jeunesse féminine peut s’émanciper. Une enclave dans un pays où les religions pèsent leur poids. On peut regretter de ne pas avoir vu plus largement Tel Aviv. Ici, le récit se cantonne dans un quartier appelé « yéménite », un nom qui en dit assez sur les habitants de ce quartier. J’imagine. Il est regrettable aussi de ne pas voir ces trois jeunes filles baignées dans cette ville au milieu d’une jeunesse certainement hétéroclite. Mais est-ce utile ? Leur comportement parlent pour elles. Ce déjà-vu-mille-fois version palestinienne peut être considéré comme une certaine forme de courage. Il n’est pas dit que ce film soit si bien perçu que ça dans la communauté musulmane ou chrétienne de la Cisjordanie. Ouvert ne signifie pas pour autant accepter ou être accepté. Les parents de Salma qui découvrent son homosexualité sont indignés et rejettent leur fille. A ce propos, la séquence est hors champs et forte. On voit la mère dans l’encadrement d’une porte et on devine son trouble à la vue de sa fille et de sa copine. La mère disparaît et aussitôt on entend un baiser sonore. Ce film n’est ni radical ni simpliste. Il aurait été facile de nous présenter que des femmes libérées, mais la réalisatrice nous greffe à ces deux jeunes femmes, une religieuse, Nour, qui, elle aussi, finit par s’interroger sur sa condition féminine face à la tradition religieuse. Elle paraît aussi revendiquer à sa manière de vouloir vivre sa vie comme elle l'entend. Le dernier plan du film l'exprime. De toute manière, depuis le temps que les intellectuels musulmans le réclament, tant que les hauts responsables de cette religion musulmane refuseront de revoir les textes, de les revisiter, de les adapter pour être raccord avec des sociétés progressistes, les femmes auront toujours un mal fou à vivre sereinement leur liberté. Tous les êtres qui veulent s’affranchir du poids de la religion seront assis entre deux chaises et devront, tout en assumant leur rébellion, affronter les regards accusateurs. Ce sera une lutte de tous les instants comme Laila qui refuse tous compromis, qui fuit tous signes liés à la tradition religieuse. Aussi infimes soient-ils. Elle n’hésitera pas à rejeter son amoureux qu’elle croyait comme elle ; la faiblesse de cet homme qui pense qu’il faut se ranger à la raison pour bien paraître aux yeux de la religion est un discours inacceptable. « Je danserai si je veux » : c’est ne rien céder au nom de sa liberté. A voir en V.O, évidemment.