Le titre Gorge Coeur Ventre est inspiré d'un poème de Pier Paolo Pasolini dans La Religion de notre temps.
Le premier titre du film était L'Été. "Je voulais inventer mon voyage dans cet enfer. Je savais depuis le départ que le personnage humain serait en bordure – du film et de la société – et que le film serait aussi le portrait en creux d’un personnage libre qui abandonne un temps sa liberté pour devenir un rouage d’une machine dévoratrice", explique Maud Alpi. "Je voulais faire ressentir ce que la sensualité si désirable de l’été peut avoir d’hallucinatoire et peut-être d’insupportable quand on émerge de ce long tunnel de souffrances".
Gorge Coeur Ventre a été tourné dans un abattoir en fonctionnement. "Depuis plusieurs films je fais les repérages avec mon co-scénariste [Baptiste Boulba-Ghigna]. On cherche des lieux qui nourrissent notre imaginaire, on rencontre les gens, on réécrit, c’est une exploration indispensable", explique la réalisatrice. "Dans la bouverie où j’ai choisi de tourner, les matières étaient lacérées par le temps. Le passage des bêtes avait laissé des traces noires sur les murs en béton. Tout le couloir de la mort était imprégné de ces traces noires. C’était très fort émotionnellement, mais c’étaient aussi les signes d’un monde au bord de l’effondrement. Ça rencontrait notre désir de fiction".
La principale difficulté du tournage de Gorge Coeur Ventre était d'acorder le rythme de filmage au rythme d'abattage. "Ces cadences, et la nécessité de tenir physiquement dans des conditions hostiles, ça endigue les émotions. Ça n’est pas rassurant de constater à quel point on peut se blinder face à ce qui nous déchire le cœur", constate Maud Alpi.
Les influences de Maud Alpi sont à chercher du côté de Werner Herzog ou Tarkovski. Également du côté de la photographie et plus particulièrement le Suédois Anders Petersen, comme l'explique la cinéaste : "C’est une sorte de reporter du quotidien, mais j’aime pas ce mot, disons un reporter de la rue, des fêtes, des cuisines. Il ne va pas chercher des sujets extraordinaires mais il a une façon de photographier les gens en étant avec eux, en totale empathie avec eux, sans jamais se départir d’une certaine inquiétude. Bref, il est vraiment là ! (...) Il aborde l’animalité de tout le monde avec beaucoup d’amour".
Virgile Hanrot travaillait pour l'abattoir dans le même temps que le tournage de Gorge Coeur Ventre. "C’était une découverte de deux mondes, simultanément. Deux mondes dont j’avais entendu parler, mais que je connaissais pas, j’apprenais plein de choses d’un coup. C’est une place bizarre. Je me sentais acteur, mais dans la réalité. C’était un jeu avec la réalité. Mais les vaches je les emmenais quand même se faire tuer", explique-t-il.