Le réalisateur Stefano Savona s'était déjà rendu à Gaza en 2009 pour les besoins de Plomb Durci, composé d’images tournées durant la guerre menée par l’armée israélienne dans l’enclave palestinienne : "Je ne connaissais pas particulièrement Gaza, même si j’avais déjà beaucoup voyagé au Moyen-Orient, mais j’étais animé par ma colère contre les médias qui racontaient la guerre soit de façon aseptisée, de l’extérieur et sans savoir ce qui se passait vraiment dans la Bande, soit de l’intérieur mais de façon pornographique, en ne se concentrant que sur les cadavres, la douleur et la violence. Je voulais échapper à cette double rhétorique, qui ne permettait pas de comprendre ce qui se passait réellement pour la population de Gaza".
Le réalisateur a rencontré la famille Samouni au lendemain du retrait de l’armée de terre israélienne, le 20 janvier 2009. Cette communauté de paysans, jusque-là épargnée par soixante ans de conflits et d’occupation, venait de perdre vingt-neufs de ses membres, femmes et enfants pour la plupart, tués par une unité d’élite de l’armée israélienne.
Après avoir rencontré une première fois les Samouni en 2009, le réalisateur est retourné en 2010 à Gaza : "j’ai reçu un message m’annonçant que le mariage d’un jeune couple qui semblait impossible à cause de la tragédie de janvier 2009, et en particulier de la mort des pères des deux futurs mariés, allait finalement avoir lieu. Ça a été le déclic pour repartir là-bas, même s’il était encore plus difficile d’entrer à Gaza". Une fois sur place, il s'est aperçu que les Samouni avaient déjà réussi à rétablir une partie de leurs champs, à transformer une étendue de décombres et de terre rouge en un quartier cultivé et verdoyant. En filmant leur quotidien, il s'agissait de les affranchir "des rôles qui sont assignés le plus souvent dans les médias aux Palestiniens, soit de terroristes, soit de martyrs. Je voulais redonner place à la variété de leurs existences, d’hommes, de femmes, d’enfants".
Pour reconstituer des situations qu'il n'avait pas filmées, celles situées avant la guerre et l'attaque israélienne, le réalisateur a utilisé l'animation, bien qu'il ne soit pas familier avec ce genre : "J’ai envisagé la fiction, mais c’était impossible parce que je ne voulais pas faire disparaître les personnes que j’avais filmées derrière des acteurs, ni, en cas de reconstitutions avec eux dans leur propre rôle, les mettre en face d’acteurs qui auraient joué ceux qui sont morts".
Pour cela, il a fait appel à Simone Massi, réalisateur de courts métrages qui utilise la carte à gratter, procédé qui s'apparente à de la gravure et qui part d’une surface entièrement noire pour faire apparaître le blanc sous-jacent : "Ses dessins ont un côté onirique mais ils sont visuellement très réalistes, très précis, ce qui permet de les raccorder à des prises de vue réelles".
Le réalisateur revient en détail sur le processus de fabrication de son film : "J’ai décidé alors d’avoir recours en amont à la technologie 3D : avec l’équipe 3D, nous avons reconstruit le quartier des Samouni d’avant la guerre et modélisé tous les protagonistes du film (les vivants à partir de mes images, les morts à partir de photos). Grâce à ces modèles virtuels, j’ai pu élaborer la mise en scène des séquences d’animation : nous avons créé des séquences animées en 3D, qui ont été ensuite redessinées par Simone Massi et les animateurs 2D traditionnels. Chaque artiste s’est occupé d’une séquence et l’a interprétée avec sa sensibilité, sous la direction artistique de Simone Massi".