Jack Preger est un médecin qui vit et travaille à Calcutta depuis 38 ans. Sans jamais aucune aide de l’État ou institutionnelle, il a traité dans sa vie plus de 500 000 malades démunis. Né à Manchester en 1930 dans une famille juive orthodoxe, il est marqué par le massacre de sa famille durant la 2ème guerre mondiale. Adolescent, il renonce à son avenir en tant que rabbin, étudie l'économie à l'université, puis se
passionne pour l'agriculture. Il devient fermier et un jour, alors qu’il travaille dans les champs, il a une révélation : devenir médecin.
C'est ainsi qu'il décide de vendre sa ferme et d'entreprendre de longues études de médecine. 8 ans plus tard, son diplôme en poche, il se rend au Bangladesh qui sort totalement dévasté de la guerre civile : 2 millions de morts, 200 000 viols, 10 millions de réfugiés. Il travaille quelques années auprès d’une ONG dans des camps de réfugiés et met sur pied une ferme communautaire dans laquelle il installe un orphelinat.
Lorsqu’il dénonce le scandale des enfants volés à leurs familles par deux membres mafieux de l’organisation Terre des Hommes Hollande pour être vendus en Europe avec l’aide de l’État Bangladais, il est expulsé du pays et tout ce qu’il avait mis en place est détruit.
Jack Preger arrive en 1979 à Calcutta, à 2h de la frontière avec le Bangladesh, dans le but de continuer son combat en faveur des enfants disparus En parallèle, il rejoint l’oeuvre de Mère Teresa, mais s’en détache très vite, n’adhérant pas à la philosophie et au prosélytisme de la religieuse. Il commence alors à soigner, seul, des indigents dans un bidonville sous le pont d’Howrah. Comme il refuse le visa de
missionnaire qu’on lui propose, le gouvernement considére son travail comme illégal et l'expulse du pays. Pour avoir résisté, il est envoyé en prison. S'ensuit un long procès de 8 ans durant lequel Jack Preger aura alors l'interdiction de quitter le pays et l'obligation de venir chaque mois en personne se défendre au tribunal.
Ce qui paradoxalement lui a permis de rester à Calcutta pour continuer son oeuvre. Tout se met réellement en place lorsque Jack commence à suspendre chaque matin des bâches sur le trottoir de Middleton Row, dans un quartier aisé. Le soir, tout était rangé et balayé, comme si tout cela n’avait jamais existé. La première clinique de rue est créée, jetant ainsi les bases de la “Street Medicine”, aujourd’hui devenue un mouvement mondial. Un matin de 1991, sans prévenir, la police ordonne l’expulsion immédiate de la clinique de Middleton Row. Du jour au lendemain, des dizaines de patients se retrouvent perdus, sans savoir où aller se faire soigner. Quelques jours plus tard, Jack crée une nouvelle clinique de rue dans le nord de la ville. Il est à l'époque le seul médecin, secondé par des anciens patients et des bénévoles venus d'Europe. Il est aussi le premier témoin de maladies comme la lèpre, le choléra et le sida.
Peu à peu, une équipe indienne se forme autour de Jack Preger et son oeuvre est aujourd’hui une ONG reconnue, Calcutta Rescue. À Londres c’est tout à la fois l’inventeur de la médecine de rue, le fondateur de Calcutta Rescue et le médecin infatigable qui a été, une nouvelle fois justement honoré. Déjà nommé membre de l’Ordre de l’Empire Britannique (MBE) en 1993, il a été nommé le 3 mai dernier "Philanthrope de l’année" aux Asian Awards pour son oeuvre en faveur des plus déshérités. Le médecin “des trottoirs de Calcutta”, devient, à 87 ans, le premier non asiatique vivant à être honoré de cette prestigieuse récompense.
Son combat pour plus de justice, pour des soins pour tous, pour la scolarisation de tous les enfants, n’est pas terminé. Jack se lève encore chaque matin pour permettre aux plus pauvres de mener une vie dans la dignité. Mais cette vie au service des plus nécessiteux s'est faite au prix d'importants sacrifices personnels. Jack a été marié quatre fois et avoue avoir privilégié son combat au détriment de sa vie privée. À ce jour, Jack a créé quatre cliniques fixes et trois écoles.
Le réalisateur Benoît Lange revient sur son envie de dresser le portrait du Docteur Jack Preger :
"Les années où j'ai travaillé comme soignant aux côtés de Jack Preger ont donné naissance à une grande complicité entre nous et m’a permis d’entrer dans son intimité.Avec ce film, je tiens cependant à prendre du recul et à questionner la fascination qu’il suscite chez moi. Pour cela, j’ai tenu à m’entourer de personnes qui pouvaient apporter un regard neuf. J’ai donc choisi Camille Cottagnoud à l’image, pour sa sensibilité hors pair et son grand professionnalisme. Les repérages que nous avons effectués ensemble en février 2013 à Calcutta m’ont apporté une foule d’enseignements. Ils nous ont offert plus que ce que nous étions venus chercher : nous avions maintenant connaissance de toutes les possibilités que nous offrait ce sujet et de ce qu’il nous restait à faire et comment.
La rencontre de Camille Cottagnoud avec Jack Preger était primordiale pour préparer le tournage. Le médecin présente toujours sa chambre de Calcutta comme l'unique lieu où il se ressource, seul espace secret et inviolable. Je reste l’un des rares à avoir pu y pénétrer, mais personne auparavant n’avait pu le faire avec une caméra. Pour que le caméraman puisse s’immerger dans ce tout petit espace, il était nécessaire que Jack le connaisse auparavant et lui accorde sa confiance. Ce qui a été le cas et nous a permis de tourner dans une très grande proximité et intimité. Le premier repérage nous a confirmé la puissance du sujet et nous a permis de voir que le projet était possible : pour la première fois de sa vie, Jack Preger a accepté d’être au centre d’un film de cinéma. Et sa vie extraordinaire est enfin révélée au grand public. J’ai eu l’immense honneur de recevoir ce cadeau : être le lien entre Jack et le spectateur."