Tout a commencé lorsque Rachid Hami a reçu un appel de son coscénariste Guy Laurent qui lui a dit qu’il venait de voir un reportage sur des enfants qui faisaient de la musique classique dans les quartiers défavorisés. Le metteur en scène se rappelle : "Guy évolue plutôt dans un cinéma populaire, mais il a tout de suite pensé à moi pour réaliser un film sur ce sujet. Il y avait en effet une résonance entre ce que faisaient ces enfants et mon parcours personnel. J’ai donc pris contact avec les responsables de Démos - un programme d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale développé par la Philharmonie de Paris - sur lequel portait ce documentaire et ils m’ont ouvert leurs portes pour que je puisse suivre des groupes."
Lorsque le projet en était à ses débuts, Rachid Hami s'est intéressé aux classes orchestres, chapeautées par l’Education Nationale. De Gennevilliers à Paris en passant par Asnières, le réalisateur a commencé à nouer des liens avec ces enfants jusqu'à ce que l'histoire du film prenne forme dans sa tête. Un garçon qui jouait du violon rencontré à Belleville lui a d'ailleurs inspiré le personnage d’Arnold :
"Il n’est pas seulement question de cinéma et de faits de société. Il y a dans La Mélodie le désir de mettre en images et en paroles une foi dans la vie et dans l’art face aux déterminismes (misère, violence, abandon, cynisme, etc.) dont chacun cherche à s’échapper et l’envie d’approcher au plus près les désillusions de la vie pour mieux dire les motifs d’espérance", raconte Hami.
En 2004, Kad Merad était professeur de sport dans l'un des plus gros succès du cinéma français : Les Choristes. Avec La Mélodie, le voilà reconverti en professeur de violon pour une classe de 6ème dans un collège parisien, alors que sa carrière de violoniste (émérite) est dans l'impasse.
La Mélodie a été présenté hors compétition à la Mostra de Venise de 2017.
La Mélodie est l'occasion de retrouver Kad Merad dans un rôle plus dramatique qu'à son habitude, avec un personnage qui n'est pas sans rappeler celui de Gérard Jugnot dans Les Choristes ou d'Eric Elmosnino dans La Famille Bélier.
Pour trouver les enfants que l'on voit dans La Mélodie, les directrices de casting Justine Léocadie et Adélaïde Mauvernay ont procédé à des castings sauvages dans les environs du quartier de Place des fêtes (XIXe arrondissement de Paris) où se déroule l’histoire. Pendant ce temps, Rachid Hami passait ses week-ends à rencontrer les jeunes candidats potentiels et leurs parents. "Très vite, j’ai compris que plus que les personnages, je recherchais des personnalités. Si les enfants sont arrivés au fur et à mesure, Renély, lui, est apparu comme un miracle : il était si proche d’Arnold, qu’il s’est imposé comme une évidence", se souvient le cinéaste.
Comme les enfants du film n'avaient jamais fait de violon, ils ont suivi des cours pour faire en sorte qu’ils acquièrent le niveau de fin de première année au moment du tournage. Le metteur en scène Rachid Hami confie : "Comme son personnage, Renély a tout de suite montré une prédisposition au violon, et ça a marché. Pour être crédible dans son rôle de musicien professionnel, Kad, lui, s’y est mis ardemment. Après trois semaines intensives, il m’a appelé pour me dire à quel point c’était difficile et m’a proposé de m’y essayer pour comprendre sa souffrance. Mais je ne voulais justement pas ressentir de compassion, je souhaitais juste qu’ils y arrivent. Et lorsqu’ils ont réalisé, à la première répétition de Shéhérazade, qu’ils étaient prêts, leur fierté n’en était que multipliée."
Côté références, Rachid Hami a beaucoup pensé à Ken Loach, pour la sobriété, et bien sûr Kechiche avec qui il avait travaillé sur L'Esquive. Le réalisateur voulait construire un scénario simple pour libérer la mise en scène. "La Mélodie est un film de genre, au même titre que Billy Elliot, Will Hunting, Les Virtuoses, Rocky… C’est vraiment dans la direction d’acteur et la manière de filmer les situations que je cherchais quelque chose, que je pouvais espérer proposer aux spectateurs des personnages romanesques. (...) En ce qui concerne la partie visuelle du film, comme mon chef opérateur et moi revenions d’un tournage à Taïwan, nous étions inspirés par l’élégance du cinéma asiatique, qu’illustrent les films de Lin Cheng-sheng ou de Hou Hsiao-hsien", confie-t-il.
Rachid Hami a pu poser leurs caméras au sein même de la Philharmonie de Paris, où Laurent Bayle et son équipe l'ont accueilli chaleureusement. Le metteur en scène explique : "En ce qui concerne le tournage, malgré le calendrier chargé du lieu, nous avons pu nous y installer trois jours au deuxième tiers du tournage. Bien que la chronologie de l’histoire ne soit pas tout à fait respectée, nous avions suffisamment avancé dans le projet pour que l’objectif dramaturgique et celui de fabrication soient presque réunis. Mais cela restait un sacré cap à passer. Et quand vous vous retrouvez à la Philharmonie avec une grue, trois caméras, quatre cents figurants et un orchestre de soixante-cinq personnes, c’est plus difficile de rester sobre."
L'une des raisons ayant poussé Kad Merad à accepter le rôle provient du fait qu'il allait devoir se frotter à un défi de taille, celui d'apprendre à jouer du violon tout en jouant un personnage doté d’un caractère très éloigné du sien. Le comédien raconte : "De ce point de vue, Simon est presque mon opposé et ce n’est pas facile d’incarner un homme sans relief, silencieux, introverti et lent dans ses gestes tout en sachant que le film est porté par son point de vue. Mes échanges avec Rachid m’ont aidé à l’appréhender. Cela a commencé par son look : sans cheveux ni barbe, je me retrouvais comme nu et cela m’a immédiatement donné une fragilité. Par ailleurs, il y avait un gros travail technique à effectuer avec le violon. Je me devais d’être suffisamment crédible pour qu’on ne mette jamais en doute les talents de musicien de Simon et le fait qu’il soit le professeur."
Pour être crédible dans la peau de son personnage, Kad Merad a été coaché par David Naulin, trois heures par semaine. "Le fait d’être musicien, de jouer de la batterie, de la guitare et de piano, m’a aidé pour la rythmique et la lecture des notes, mais le violon est un outil à part, il a un langage qui ne ressemble à aucun autre instrument", précise l'acteur.