S. Craig Zahler est probablement un cas unique au cinéma : un réalisateur talentueux, faisant de bons films... ne sortant jamais au cinéma. Après un plutôt réussi « Bone Tomahawk », c'est au tour de « Section 99 » de connaître le même destin (du moins en France), celui-ci se révélant même un cran au-dessus de son prédécesseur. Il y a deux (voire trois) parties bien distinctes : la présentation du héros et de sa femme, leur situation ayant amené
le premier à reprendre le trafic de drogue et surtout sa personnalité, singulière, étonnante, montrant un homme étonnamment intelligent, réfléchi, droit dans ses bottes, pouvant « seulement » être victime d'accès de brutalité, à l'image de l'impressionnante scène où celui-ci détruit une voiture à mains nues
. Puis son arrivée en prison, où
un odieux chantage va être le déclencheur d'un déchaînement de violence proprement ahurissant, et enfin son entrée dans la fameuse section 99, où notre bonhomme va se transformer en véritable machine à tuer au milieu d'un univers particulièrement malsain, perver
s. On peut trouver ça parfois « too much », que ce soit dans la transformation presque soudaine du héros ou
des scènes de torture parfois à la limite du gratuit
. Mais c'est le style Zahler : il ne fait rien d'extraordinaire avec sa caméra, tout en se montrant très sûr dans ce qu'il fait, sans céder à l'esbroufe. Comme il détournait les clichés racistes dans « Bone Tomahawk », il détourne ici ceux des films de prison, sans chercher le réalisme (du moins dans le dernier tiers). Il est conscient de cet excès, et c'est pour ça que ça marche. Cet « univers parallèle » est impensable ? Qu'importe ! Dans la logique du scénario, limité mais cohérent, cela fonctionne, le réalisateur, par son sens visuel, son travail sur les décors ou ce qu'il avait su construire auparavant, nous permet d'y croire. Surtout, c'est ici l'occasion de voir une violence mettant, certes, du temps à apparaître, mais ne s'arrêtant plus une fois enclenchée, très bien filmée par un bonhomme semblant prendre un malin plaisir à voir
des bras se casser ou des crânes exploser sous le poids des chaussures
. Enfin, clap de fin définitif pour ceux classant uniquement Vince Vaughn en acteur comique, celui-ci faisant ici preuve d'une présence physique impressionnante et donnant beaucoup de force à son personnage, même s'il se ferait presque voler la vedette par un Don Johnson en pleine résurrection, brillant dans son rôle de
directeur imperméable à toute humanité, aussi cruel que posé
: un superbe second rôle. Un film de genre, certes, mais un très bon, accentuant le statut très particulier de S. Craig Zahler dans la sphère cinéphile contemporaine.