La vie du Slender Man n'était déjà pas une partie de plaisir... Alors, certes, le bonhomme a son petit statut de starlette d'Internet en tant que première légende urbaine 2.0 mais imaginez-le un peu sillonner l'éternité sans visage, avec un physique de sauterelle anorexique coincée dans un costume-cravate usé et un besoin urgent de consulter un chiropracteur pour soigner de graves problèmes d'articulations, et vous aurez une idée du calvaire enduré par ce voleur d'enfants venu d'un autre monde ! Comme si cela ne suffisait pas, le voilà désormais au centre d'un des pires films d'épouvante adolescents de ces dix dernières années et moqué par les spectateurs du monde entier, autant dire que sa colère contre nous autres, pauvres humains, n'est pas prête de retomber...
Bon, vu la sinistre réputation entourant le long-métrage de Sylvain White, on savait forcément où l'on mettait les pieds mais, au-delà d'un ratage monumental qui n'a rien à raconter, c'est les petites percées de son réalisateur pour tenter d'instaurer une aura lovecraftienne autour de sa créature (ses dernières apparitions sont plutôt esthétiquement réussies de ce point de vue) et une ambiance un poil plus sombre que bon nombre de productions du même genre qui traduisent fugacement de bonnes intentions derrière un produit final pathétique. Seulement, et ce n'est plus un secret, "Slender Man" est un film qui a été remonté dans tous les sens possibles lors de sa post-production afin de le polisser à l'extrême en bidulerie adolescente de studio et les (très) rares fulgurances de Sylvain White ne se résument désormais plus qu'à quelques secondes dans 1h30 interminable -mais vraiment IN-TER-MINABLE- de néant absolu.
À part le fait de faire disparaître des enfants dans ses poches, le Slender Man n'est juste qu'un agglomérat moderne de légendes plus anciennes (et plus passionnantes) avec un historique se résumant à quelques photos trafiquées où cet être mystérieux apparaît en arrière-plan, autant dire que cela fait très maigre pour construire un film pertinent autour mais on pouvait se dire qu'avec un minimum d'imagination, il y avait sûrement moyen de produire quelque chose de vaguement potable... sauf que, de l'imagination, les scénaristes de "Slender Man" n'en disposaient apparemment pas.
Épousant finalement le même schéma d'où est issue cette légende urbaine, le film construit le background de son antagoniste éponyme sur tout un tas d'idées meilleures piquées ailleurs : le Slender Man se résume à un esprit invoqué comme tous les autres mais avec une vidéo louée à la Sadako de "Ring", ses méthodes lorgnent souvent du côté de Freddy Krueger en provoquant des insomnies et des hallucinations cauchemardesques à ses victimes et, enfin,
sa progression sous forme d'esprit-virus pour se répandre est d'une banalité sans nom
. Sans véritable mythologie capable de la rendre consistante, la pauvre créature en sera simplement réduite à un rôle de machine à jumpscares ratés la majeure partie du film, comme une sorte de présence omnisciente aux pouvoirs monstrueux (il peut même passer des appels vidéos sur votre portable, un vrai geek ce vieux Slender) mais qui préférera bêtement mettre 1h30 à éliminer une par une le groupe d'héroïnes adolescentes plutôt que de se jetter d'un seul coup sur elles pour conclure rapidement le calvaire. Entre chacune de ses attaques, notre souffrance sera encore plus virulente devant un déchaînement de lieux communs d'intrigues adolescentes dont on se contrefiche dans des séquences donnant le sentiment d'être souvent coupées nettes en plein milieu (comment croire une seconde que la scène de dissection d'un oeil lors d'un cours puisse aboutir sur... rien ?) quand elles ne sont pas d'une mollesse impardonnable (mention spéciale à l'amourette insupportable de l'héroïne qui donne une furieuse envie de déposer son C.V. au syndicat des Slender Men pour l'éliminer au plus vite).
Bref, si la post-production houleuse se fait très souvent ressentir, elle ne saurait excuser un film complètement vide sur une légende qui l'est tout autant. Tout ce qui déroule à l'écran est si mauvais et dénué de rythme que tous les montages du monde n'auraient pas pu sauver des limbes de l'ennui un long-métrage où les participants paraissent avoir fourni des efforts bien en-dessous du minimum des aptitudes normales d'un être humain. Seule consolation, après le déjà lamentable "I Wish", la présence de Joey King dans un film de ce type est en train de devenir un bon signal d'alarme à catastrophes de grande ampleur.
Quant au Slender Man, certains racontent que, depuis la sortie du film, le boogeyman est reparti se cacher au fin fond des bois pour faire craquer ses os de rage jusqu'à l'agonie... C'est triste mais c'est un mal pour un bien, il ne manquerait plus qu'il veuille prendre sa revanche dans une suite. Pour le coup, cette simple hypothèse est bien plus effrayante que l'intégralité du long-métrage.