Humoriste et animatrice belge révélée au grand public grâce au Jamel Comedy Club en 2012, Nawell Madani s'inspire de son propre parcours pour C'est tout pour moi, sa première réalisation dans laquelle elle tient également son premier grand rôle au cinéma.
Elle y retrace son arrivée à Paris, sa découverte du monde de la danse et du stand-up : "J’ai connu la galère en arrivant à Paris. Une vraie jungle ! J’ai dormi longtemps dans ma voiture, puis j’ai connu la colocation. Mais je croyais à ma réussite, parce que je devais y arriver. Les gens ne comprenaient pas, mais je ne pouvais pas ne pas réussir. Puis ça a commencé à fonctionner tout doucement."
Si Nawell Madani est la star de C'est tout pour moi, c'est en réalité pour ses parents qu'elle a fait ce film : "Je suis issue d’une famille nombreuse de quatre enfants et j’ai vu mes parents trimer, assumer deux jobs chacun, nuit et jour, sans partir en vacances pendant dix-sept ans. (...) Je voulais raconter mon histoire et rendre hommage à mes parents plus fort, plus haut, pour qu’ils soient éternels, grâce au cinéma. Car le cinéma laisse une trace, contrairement au spectacle vivant."
Si Nawell Madani tient le rôle principal de C'est tout pour moi, elle assure qu'elle aurait préféré ne pas être mise en lumière : "c’est un souhait des producteurs. Moi, (...) j’adore diriger les acteurs, les accompagner. J’aime qu’on emmène mes scènes beaucoup plus loin que ce qui est écrit. J’ai tout fait pour qu’on joue juste dans ce film, que les vannes claquent, que les répliques piquent. C’est très musical et j’y étais très attentive."
Nawell Madani est accompagnée à la réalisation de Ludovic Colbeau-Justin, dont c'est le premier long-métrage et qui auparavant a mis en scène plusieurs épisodes télévisés. Le duo s'est rencontré par le biais du frère de ce dernier, Cyril Colbeau-Justin, producteur prolifique de plus d'une cinquantaine de films dont 36 Quai des Orfèvres, A bout portant, Cloclo, Les Garçons et Guillaume, à table ! et donc C'est tout pour moi.
Ludovic Colbeau-Justin revient sur cette collaboration : "Elle cherchait quelqu’un pour l’accompagner dans la réalisation de son film. Son scénario m’a beaucoup plu. Nous nous sommes rencontrés et nous sommes entendus. Puis nous avons retouché le scénario ensemble de sorte à le faire concorder avec les moyens dont nous disposions pour réaliser ce film. Il s’agissait de faire des aménagements ensemble, et ce jusqu’au dernier jour de tournage."
Si Nawell Madani dédie son film à ses parents, le personnage de la mère n'apparaît étonnament pas dans C'est tout pour moi : "C’est vrai, mais elle sait à quel moment je parle d’elle sans qu’elle soit à l’image. Il y a plein de clins d’oeil. (...) Si le personnage de ma mère n’est pas au scénario, c’est en lien avec la trajectoire d’une amie, Akela Sari, journaliste, qui voulait reprendre des études pour devenir actrice. On a écrit les premières lignes de ce film ensemble. Elle voulait jouer ma mère, mais elle est tombée gravement malade, et je ne me voyais pas choisir une autre actrice. J’ai préféré tuer ma mère dans le film. Et le jour où j’ai achevé le tournage de mon film, Akela est décédée. Je ne l’ai pas vue partir et je m’en veux énormément. Le film lui est dédié."
La majorité des acteurs qui entourent Nawell Madani sont des amateurs, notamment le comédien qui interprète son père et qui est en réalité chauffeur de taxi. Une manière pour Madani de laisser à son tour sa chance à de nouveaux talents : "je voulais mettre en avant de nouveaux visages. Je voulais que les spectateurs découvrent des seconds rôles qui déchirent !"
Parmi les références qu'elle avait en tête pour réaliser C'est tout pour moi, Nawell Madani cite Billy Elliot, Million Dollar Baby, 8 Mile, Flashdance et Un incroyable talent pour "les parcours de vie inspirants" qu'ils retracent. Autre influence qu'elle partage avec son co-réalisateur : Rocky, pour la sincérité et l'empathie qui s'en dégage.
Nawell Madani revient sur le titre du film et sa signification : "la scène, c’est tout pour moi. Et mes parents, c’est tout pour moi. Et ce film, c’est aussi tout pour moi, car j’ai laissé ce que je devais laisser à mes parents. Quand on achève un spectacle de stand-up par « C’est tout pour moi ! », c’est une façon de signer, dire qu’on a tout dit. Et ce film, c’est une manière de dire : « Je vous ai tout donné. Faites-en ce que vous voulez désormais »."
Bien que C'est tout pour moi soit en grande partie autobiographique, Nawell Madani s'est permise de prendre certaines libertés avec la réalité, notamment lors d'une séquence en prison alors qu'elle n'y a en réalité jamais mis les pieds. Cependant, cet épisode trouve son origine dans le vécu d'une de ses amies : "C’est aussi son histoire que je raconte à travers mon film. J’ai condensé nos vies, nos personnages. (...) j’ai beaucoup édulcoré, car en réalité, ce qu’elle a vécu est beaucoup plus rude. On m’a aussi déconseillé de m’appesantir sur cet épisode, car ce n’est pas le sujet du film, mais il était fondamental pour moi que je relate cet événement. J’ai un réel besoin d’être fidèle au vécu."
A l'instar du parcours de son héroïne, la production de C'est tout pour moi n'a pas été de tout repos : le producteur dépose le bilan en plein tournage, laissant un trou de 150 000€ dans le budget du film ! Nawell Madani ne se laisse pas démonter : elle renonce alors à son cachet d’actrice, remonte sur scène et investit l’argent prévu pour l’achat d’un appartement dans la production du film. "On a eu du mal à sortir ce film, ce n’était pas une aventure facile" déclare-t-elle.