Avec Album de famille, Mehmet Can Mertoğlu souhaitait avant tout raconter la façon dont une histoire peut être réécrite. Pour ce, la construction d’une famille constitue un postulat de départ idéal selon le metteur en scène, qui précise : "La manière dont mes personnages recréent leur passé et lui substituent un récit artificiel, en usant de photographies comme d’autant de fausses preuves, m’intéressait beaucoup : ce faisant, ils rédigent en quelque sorte leur histoire "officielle"."
Mehmet Can Mertoğlu et les deux acteurs principaux Şebnem Bozoklu et Murat Kılıç ont fait beaucoup de répétitions en travaillant principalement sur le langage corporel, la façon d’être assis, de se tenir debout et de se positionner dans l’espace. Cela étant, 95% des dialogues présents dans le film étaient écrits à l’avance et seuls les 5% restants relèvent de l’improvisation.
En Turquie, la faculté de procréer est toujours considérée comme quelque chose de crucial. C'est pour cette raison que les deux personnages du film tentent à tout prix de garder secrète l’adoption d’un bébé. "L’infertilité est vue, plus que comme un simple défaut, comme un motif de déconsidération, voire de honte. Cela n’a d’ailleurs rien à voir avec le statut social : des académiciens, des gens très éduqués, se livrent au même raisonnement", explique Mehmet Can Mertoğlu.
Mehmet Can Mertoğlu a en premier lieu choisi le comédien Murat Kiliç parce qu'il avait joué dans des films similaires à Album de famille comme par exemple Il était une fois en Anatolie. "Son visage, son nez notamment, étaient très importants pour moi ! C’était mon premier choix, j’ai d’ailleurs écrit le scénario en pensant à lui", se souvient le réalisateur, en poursuivant : "Şebnem Bozoklu, qui interprète son épouse, est quant à elle très connue en Turquie, principalement pour ses nombreux rôles dans des séries télévisées."
Via, entre autres, ce couple s'inquiétant de l’apparence "kurde" ou "syrienne" d’une fillette qu’on leur propose d’adopter, Album de famille est également une satire plutôt virulente d'une société flirtant allègrement avec le racisme. Mehmet Can Mertoğlu confie :
"Le racisme est une réalité de la société turque, même si ceux qui s’en rendent coupables n’en ont pas vraiment conscience. C’est plutôt comme un réflexe : une personne qui n’aurait pas l’idée de se montrer hostile ou insultante à l’égard d’un Noir dans la rue pourra soudain recourir, devant un match de football, à une terminologie raciste. C’est une chose très commune, très répandue, et les gens n’ont pas nécessairement conscience du fait que c’est à travers ces formules toutes faites que se perpétue le racisme."
Mehmet Can Mertoğlu a fait appel au directeur de la photographie Marius Panduru, qui avait officié sur Policier, adjectif et 12h08 à l’est de Bucarest, deux films du Roumain Corneliu Porumboiu dont le travail semblait à même de servir le propos d'Album de famille selon le cinéaste turc. "J’aime aussi beaucoup les films de Cristi Puiu et de Cristian Mungiu, ce sont pour moi des sources d’inspiration", note par ailleurs Mertoğlu.