C'est l'ancier monteur de Jean Becker, Jacques Witta, désormais à la retraite, qui a parlé au metteur en scène du roman de Jean-Christophe Ruffin, "Le Collier Rouge". Witta était persuadé que le livre plairait à Becker et que ce dernier y verrait un sujet de film. Le réalisateur se rappelle : "En lisant, je me disais que les scènes de guerre seraient compliquées à mettre en scène pour un réalisateur de mon âge ! Mais après réflexion, en effet, l’histoire m’a touchée et j’ai décidé de me lancer, en sachant qu’il y aurait des gens qui m’aideraient dans les moments plus compliqués, comme Yves Angelo qui a été bien plus qu’un chef opérateur ou Louis mon fils, qui a été bien plus qu’un producteur. Il m’a soutenu avec beaucoup de force ... Et à l’arrivée, ça me fait plaisir quand on me dit que le résultat fait penser au travail d’un jeune metteur en scène !"
François Cluzet collabore à nouveau avec le réalisateur Jean Becker 35 ans après L'Été meurtrier. Le comédien confie : "Jean a été un de ceux à l’époque à m’avoir pour la première fois confié un rôle très intéressant, qui a beaucoup compté pour moi en tant qu’acteur. Le temps a passé et j’avoue que la proposition de ce rôle trente cinq ans après a été une excellente surprise."
Ce qui a séduit Jean Becker dans le roman réside dans la facilité d'écriture de Jean-Christophe Ruffin. "J’ai dévoré «Le collier rouge» d’un trait, en me disant à chaque page que cette histoire était extrêmement visuelle tout en étant très simple à comprendre. J’aime ça aussi au cinéma : s’asseoir dans une salle, être entraîné jusqu’à la fin du film sans s’ennuyer...", confie le réalisateur.
Jean-Loup Dabadie a aidé Jean Becker à peaufiner les dialogues du scénario. Les deux hommes avaient déjà collaboré sur Bon rétablissement et La Tête en friche.
Jean Becker a choisi Sophie Verbeeck pour incarner Valentine après l'avoir vue dans A trois on y va. "Elle n’avait pas le rôle principal mais elle y était très attachante. Sa voix, son attitude m’avaient bluffé... Il a fallu convaincre les producteurs car elle n’est pas encore très connue au cinéma mais je suis certain qu’elle va le devenir !", se souvient le cinéaste.
Jean Becker se rappelle du tournage du Collier rouge comme ayant été très éprouvant pour lui et notamment à cause des scènes de guerre où il devait diriger beaucoup de figurants dans les tranchées. Le réalisateur raconte : "Physiquement, pour moi, ç’est un tournage qui a été difficile... Ma récompense, ce sont justement les témoignages de ces figurants dont vous parlez, des gens de la région où nous avons tourné en Charente, près de Montbron. J’étais dans ma petite cahute avec mes écrans pour regarder ce que nous venions de filmer, sous la pluie, dans la boue et quand ils passaient près de moi épuisés et crottés, ils me remerciaient... Alors non pas de leur avoir fait le cadeau empoisonné de ces conditions de tournage, mais simplement d’avoir fait ce film. Tous ces figurants étaient juste heureux d’avoir vécu quelques jours dans la peau de Poilus de la guerre 14-18 ! Ca m’a beaucoup touché..."
L’histoire du Collier rouge met en parallèle une confrontation entre deux hommes avec une histoire d’amour. Ainsi, pour Jean Becker, ce long métrage n'est pas un film sur la guerre. Il précise : "Il y a la dualité entre ces deux types, qui peut faire songer à Garde à vue ou Le Juge et l'assassin, avec une sorte d’enquête policière dans laquelle Lantier du Grez essaye de mettre à jour la vérité. Il y a également en effet une histoire sur la relation compliquée entre une femme et un homme, qui pense avoir été trompé par celle qu’il aime... Ce couple a lui aussi été malmené par la guerre : sans 14-18, Jacques et Valentine n’auraient jamais connu cette épreuve."
Deux chiens (des beaucerons) ont été utilisés pour les besoins du tournage : un pour jouer l’attaque dans les tranchées et un autre pour les scènes devant la prison... Nicolas Duvauchelle explique : "Disons que les propriétaires n’avaient peut-être pas tout à fait pris la mesure du travail à effectuer avec leurs chiens, ce qui nous a pas mal énervés Jean et moi, étant donné que nous sommes tous deux assez patients ! Bon, ce sont les aléas des tournages, on sait que c’est toujours difficile avec les animaux et les enfants..."
L'histoire du Collier rouge se déroule en 1919 après la Première Guerre mondiale et, cent ans après, les thèmes du film sonnent d’une manière très moderne. La notion de héros, le rapport à la justice, le couple et la place de la femme dans la société... Jean Becker précise : "J’ai eu l’impression que le roman était déjà dépoussiéré sur le plan de l’époque ! Ce que raconte cette histoire est franchement révolutionnaire avec une attaque contre la manière dont on a traité les hommes de la guerre 14-18. C’étaient des héros, des vrais... J’adorais mon grand-père, qui avait vécu l’enfer des tranchées en étant blessé. Il m’avait parlé de la guerre et je me suis beaucoup documenté avant de faire le film. Quand on connaît le sujet, on comprend que l’Etat et les généraux ont envoyé des millions de gens à la boucherie. Où est l’aspect héroïque dans tout cela ?"
François Cluzet voit son personnage du commandant-magistrat Lantier du Grez comme un membre de la hiérarchie militaire qui pourrait être austère du fait de son rang et de ses responsabilités, mais dont l’esprit a été marqué, bouleversé par l’horreur de la guerre. Le comédien poursuit : "On sent que lui aussi pourrait faire pas mal de reproches sur la manière dont on a envoyé au front des millions de soldats, en sachant très bien qu’ils allaient à la mort... J’ai aimé la fêlure de ce gars-là. On comprend que toute sa vie il a été dans l’armée mais cette affaire va le faire sortir de son rôle. C’est un juge militaire, chargé de se prononcer sur ce qu’a fait Morlac mais dès le départ, son état d’esprit est de dire : "présentez vos excuses et on en reste là...""