La dernière fois, c’était Thomas Hardy. Cette fois, c’est donc au tour de Jane Austen, en attendant une prochaine adaptation des soeurs Brontë : le film patrimonial britannique tourne peut-être en circuit fermé mais il est difficile de se lasser de ce genre d’adaptations tant elles affichent un côté universel : Prenez ‘Emma’, par exemple : le fonctionnement même de la Rom’com américaine comme du Drama coréen sont toute entières contenues dans ce boquin publié en 1815. Voyez plutôt : Emma Woodhouse dissuade sa dame de compagnie Harriett d’épouser le fermier Robert Martin, estimant que le pasteur Elton lui conviendrait mieux. Mais Elton ne feint l’intérêt pour Harriett que pour approcher Emma, ce qui suscite la jalousie silencieuse et réprobatrice de George Knightley, ami de la famille Woodhouse. Emma ne remarque de toute façon ni les approches de l’un, ni les piques de l’autre, entièrement occupée à imaginer l’invisible Frank Churchill, qu’elle estime possiblement digne de son rang et à persifler sur l’arrivée de la cousine Fairfax. Si j’ai bien compté, on est dans un heptagone amoureux et pour info, le célèbre ‘Clueless’ de 1995 était simplement la version Beverly Hills de ‘Emma’. Cette adaptation n’est pas littérale, ceci dit : le roman avait également pour vertu de décrire avec précision la vie dans un village de province anglais à l’aube du 19ème siècle et de fonctionner comme une enquête, le lecteur n’étant mis au courant que de ce que voit, pense et interprète l’héroïne (qui a généralement le nez dans le guidon), et cette particularité se ressent finalement assez peu à l’écran. A deux siècles d’écart, ce n’est peut-être plus non plus l’indépendance d’esprit et la liberté de ton qui caractérisent la jeune femme, qui agit bien souvent comme une péronnelle écervelée. Néanmoins, en dehors de l’intérêt propre au récit, dans ce créneau patrimonial qui dégage souvent un légère odeur de naphtaline, ‘Emma’, par ses couleurs, par ses dialogues, par la manière dont ses acteurs jouent, dégage une bonne humeur communicative et une légèreté qui lui confère une imperceptible petite touche de modernité.