« La philosophie n'est pas un divorce d'avec la vie ». C'est cette phrase, prononcée par Gilles (Eric Caravaca), son professeur de philosophie, qui, selon Ariane (Louise Chevillotte), a tout déclenché. Tout en la disant, Gilles avait posé son regard sur son élève et celle-ci avait aussitôt été saisie, sinon par l'amour, en tout cas par le désir.
Après « La Jalousie » (2013) et « L'Ombre des Femmes » (2015), Philippe Garrel persiste, fort heureusement, à faire des films de plus en plus fluides et de plus en plus limpides. Servies par une belle photo en noir et blanc, les histoires qu'il raconte, clairement inspirées par sa propre vie et ses propres expériences, touchent juste et vont droit à l'essentiel, bien plus que dans les films qu'il faisait auparavant.
Certes, même s'il est question d'un professeur de philosophie, il ne faut pas attendre de Philippe Garrel ce qu'avait si parfaitement réussi à réaliser la cinéaste Mia Hansen-Løve dans son film intitulé « L'Avenir » (2016), dans lequel elle parvenait à donner corps, en quelque sorte, à la matière susdite. Dans « L'Amant d'un Jour », Gilles pourrait exercer n'importe quel autre métier sans que le film s'en ressente beaucoup. Ce qui intéresse Philippe Garrel, ce sont les atermoiements des corps et des cœurs, plus que le cadre dans lequel ils se manifestent. Le cinéaste cherche inlassablement, de film en film, à sonder l'énigme de l'amour, de ses joies et de ses peines, à comprendre un peu plus pourquoi on s'accorde et pourquoi on ne s'accorde plus.
Pour ce faire, dans ce nouveau film, il met en présence Gilles, le professeur de philo, Ariane, son élève qui, à force de séduction, est devenue son amante, et sa fille Jeanne (Esther Garrel) qui, après avoir rompu avec son compagnon, est revenue vivre chez son père. Autrement dit, voici que cohabitent l'amante et la fille de Gilles qui ont, toutes deux, à peu près le même âge. Or, contrairement à ce qu'on pourrait supposer, toutes deux non seulement s'entendent mais il se noue entre elles, assez rapidement, une sorte de complicité.
Pourtant, toutes deux n'ont pas le même idéal. Ariane, comme un Don Juan au féminin, estime que, puisque les hommes se permettent toutes les infidélités qu'ils veulent tout en ne supportant pas que leurs compagnes fassent de même, elle aurait bien tort de se priver de quelque plaisir que ce soit. Jeanne au contraire, inconsolable après sa rupture, ne rêve que de renouer avec celui qu'elle a quitté et de vivre avec lui un amour profond et durable. Quant à Gilles, il se trouve pris entre l'une et l'autre, oscillant, un peu perdu et parfois absent. Chez Philippe Garrel, c'est toujours aux femmes que sont confiés les meilleurs rôles.
La subtile alchimie composée par le cinéaste prend et captive à nouveau (un peu moins, tout de même, que dans « L'Ombre des Femmes »). En filmant le singulier et l'intime, Philippe Garrel touche sans peine à l'universel puisqu'il interroge sur la seule question qui compte : qu'est-ce qu'aimer ? 7,5/10