La Forme de l'eau de Guillermo del Toro est une expérience cinématographique aussi fascinante qu'imparfaite. Le film repose sur une idée forte et visuellement captivante : une romance interdite entre une femme muette et une créature amphibienne dans le contexte tendu de la guerre froide. Sur le papier, c’est une fable moderne intrigante. Sur l’écran, cependant, l'exécution laisse parfois à désirer.
Le film débute de manière prometteuse. Les premières scènes, baignées dans des teintes aquatiques et mystérieuses, capturent instantanément l'attention. Le design de la créature, évitant la simple caricature monstrueuse, est à la fois étrangement attirant et repoussant, symbolisant à merveille cette dualité entre l'humain et l'animal. Del Toro, comme à son habitude, excelle dans l'art de la création de mondes fantastiques, et ici, il ne fait pas exception.
Sally Hawkins, qui incarne Elisa, est touchante dans son rôle. Sans dire un mot, elle parvient à transmettre toute la palette d’émotions que traverse son personnage. Cependant, c’est justement cette absence de dialogue et l'insistance sur la douceur naïve de son personnage qui finissent par peser sur la dynamique du film. La relation entre Elisa et la créature manque de profondeur émotionnelle. Elle semble davantage dictée par l'envie de surprendre que par un développement naturel et crédible.
Michael Shannon, dans le rôle du colonel Strickland, est peut-être le personnage le plus mémorable. Son antagonisme brutal et implacable ajoute une dose de tension palpable, mais là encore, l’écriture tombe dans un schéma manichéen un peu trop évident. Le mal est brutal, primaire ; le bien, fragile et innocent. On aurait espéré des nuances plus subtiles, mais le film choisit de rester dans une dichotomie simpliste.
Là où La Forme de l'eau brille, c'est dans son esthétique et sa bande sonore. Les compositions d'Alexandre Desplat ajoutent une élégance rare à l'ensemble, soutenant magnifiquement les scènes les plus poétiques. Pourtant, cette beauté visuelle et sonore ne suffit pas à masquer les faiblesses de l'intrigue. Le film semble parfois trop préoccupé par son propre style, au point de négliger la substance.
L’histoire d’amour, bien que centrale, peine à convaincre sur la durée. Les enjeux restent superficiels, et le déroulement est prévisible, même si le dernier acte tente de surprendre avec une conclusion tragique à demi-mesure. Ce manque de réelle profondeur narrative affaiblit l’impact émotionnel que le film cherche à créer. Certains moments, pourtant remplis de potentiel, semblent étirés de manière artificielle, tandis que d’autres, cruciaux pour la progression des personnages, sont trop rapidement expédiés.
Au final, La Forme de l'eau est un film magnifique à regarder, mais qui manque d'un souffle véritable pour en faire un chef-d'œuvre. Il s’agit d’un conte charmant, empreint d’une nostalgie pour l’âge d’or du cinéma, mais qui ne parvient jamais vraiment à s’élever au-dessus de ses propres ambitions. Il est beau, il est poétique, mais il est également quelque peu creux et prévisible. On en ressort avec des images plein les yeux, mais avec un sentiment de satisfaction incomplète.