Claire Burger voit le titre de son film comme étant davantage une question qu'une affirmation. Pour la réalisatrice, C'est ça l'amour explore l'amour sous toutes ses formes et chaque personnage incarne une position différente face à lui, à un moment critique de son existence. Elle précise : "En plongeant au coeur d’une ville et d’une famille, dans un moment de crise, je voulais observer les liens qui se font ou se défont au gré des incompréhensions mutuelles, des prises de positions hâtives. Raconter le désordre familial et social, comme une polyphonie où se confrontent les subjectivités de chacun. Un champ de bataille, où les personnages, sous pression constante, en proie aux rapports passionnels et aux émotions à fleur de peau, se font parfois la guerre avec violence. Il est ici question d’amour mais aussi de pouvoir, de territoire, de reconquête ou de désertion. Mario n’est pas seul à batailler pour conserver ou fabriquer du lien. Niki et Frida sont elles aussi en quête d’amour. Des amours naissants, adolescents. Et le bouleversement intime que vit Frida, qui découvre sa sexualité, vient lui aussi chambouler l’ordre familial."
Le précédent film de Claire Burger, Party Girl, dressait le portrait d'une femme forte, indépendante et libre, alors que C'est ça l'amour se centre sur un homme fragile. La cinéaste explique : "J'ai voulu montrer comment un père dévoué se confronte à ces mêmes questions. Dans le film, le personnage de Mario est débordé par des femmes aux lourds tempéraments. Autour de lui, toutes sont fortes, solides, et toutes le bousculent – ses filles, sa femme, ses collègues, celle aussi qu'il rencontre sur une aire d'autoroute... Le film s'inscrit dans une période où les femmes gagnent des acquis et de la liberté. Mais l'idée n'était pas de représenter un homme en opposition à ce changement. Le personnage de Mario change lui aussi, se repositionne dans ce contexte. Je voulais faire le portrait d'un homme délicat, sensible, tendre, loin des clichés de la virilité. J'ai été élevée par un homme comme ça. Pour le personnage de Mario, je me suis inspirée de mon père, dans sa personnalité, son rapport à la paternité et surtout à la transmission. C'est son éducation, et d'une certaine façon son féminisme, qui nous ont permis à ma soeur et moi je crois, de nous sentir fortes en tant que femmes, et ensuite pour ma part, légitime à vouloir devenir cinéaste."
Dans ses précédents films, Forbach, C'est gratuit pour les filles et Party Girl, Claire Burger a souvent travaillé à partir d'un matériau autobiographique ou inspiré par ses proches. Avec C'est ça l'amour, la réalisatrice s'est inspirée de la séparation de ses parents. Elle raconte : "J'ai caractérisé les personnages du film en m'inspirant de mes proches. Mais plus que dans mes précédents films, je me suis autorisée à aller vers la fiction. Elle m'a permis d'aborder cette histoire familiale en imaginant tous les points de vue, celui du père, de la mère et de chacune des filles. Pour raconter cette histoire, je devais sortir de ma subjectivité, imaginer comment cette séparation avait été vécue par les autres membres de ma famille. J'ai pris beaucoup de plaisir à libérer mes personnages de la question du réel ou de la vérité pour les amener à vivre leur propre histoire. J'ai aussi voulu travailler pour la première fois avec un acteur professionnel pour le rôle de Mario. Le scénario était très structuré et les dialogues très écrits. Je voulais qu'ils soient joués tels que je les avais imaginés, et donc, avoir moins recours à l'improvisation que sur mes précédents films."
Jusque là, Claire Burger avait principalement travaillé avec des acteurs non-professionnels originaires de sa région. Avec C'est ça l'amour, elle passe donc à une autre étape et explore d'autres formes de jeu. La réalisatrice précise : "Cette fois-ci, j'avais envie de mélanger les gens et les genres... Des parisiens, des lorrains, issus de toutes les classes sociales. Vivre une aventure humaine collective et trouver de l'harmonie entre des personnes totalement différentes. J'étais curieuse de ce qu'un acteur professionnel pouvait apporter au film, mais je voulais que ce comédien puisse s'ancrer dans le territoire que je filmais : Forbach, à la frontière allemande, au Nord-Est de la France. J'ai assez vite regardé du côté des Belges et j'ai pensé à Bouli Lanners pour incarner Mario. Bouli est lui aussi frontalier, il parle plusieurs langues, dont le dialecte pratiqué dans ma région. C’est quelqu’un qui a énormément d’enfance et une immense sensibilité. Lorsque nous avons décidé de nous voir pour parler du rôle, il a proposé que l’on se rencontre à Forbach et non pas à Paris. Il voulait voir la maison de mon père, s'imprégner de la ville. Il a immédiatement compris que ce territoire était important pour moi."
Claire Burger a tourné C'est ça l'amour dans la maison de son enfance et a écrit le scénario en pensant à la maison de son père où elle a grandi. La cinéaste se rappelle : "Je pouvais facilement imaginer le découpage, faire évoluer les personnages dans ce décor que je visualisais parfaitement. Comme pour mes précédents films j'ai tenu à tourner dans ma ville natale, Forbach. C'est un territoire singulier que je voulais continuer à explorer. Lors des repérages nous avons cherché des maisons plus spacieuses qui auraient facilité le travail de l'équipe, mais je n’ai pas réussi à me résoudre à tourner ailleurs. Il y avait quelque chose d'émouvant et de réparateur pour moi dans le fait de filmer cet espace lié à mon enfance, d'y faire évoluer les acteurs. Je voulais parler avec le plus de sincérité et d'intimité possible d'une situation qu'on peut considérer comme banale, mais qui est dramatique pour beaucoup de famille au moment où elle survient."
Il y a une mise en abyme dans le film. Le personnage de Mario participe à une pièce de théâtre : "Atlas". Il s'agit d'une pièce mise en scène par Ana Borralho et João Galante, que Claire Burger est allée voir à Nanterre il y a quelques années. Le dispositif d’"Atlas" est particulier puisque la pièce se crée avec les habitants d’une ville, dans un processus où chaque participant doit trouver une phrase qui le raconte.
"Cette phrase exprime ce qu’il est, souhaite être ou vivre. Il s’agit de faire spectacle de son intimité, pour dire quelque chose de son monde et du monde en général, quelque chose qui peut parler à tous. Cette démarche et le travail sur l’auto-représentation me parlaient beaucoup. Elle faisait écho à ce que j’ai fait au cinéma jusqu’à présent en travaillant sur des formes hybrides, entre fiction et documentaire, dans ma ville natale, parfois même en faisant jouer à des acteurs non-professionnels leur propre histoire. Antonia Buresi, qui joue dans le film, fait vraiment partie de l’équipe d’Atlas. Elle m’a proposé d’accompagner la troupe à Charleroi, une ville sinistrée de Belgique, dont l’histoire ouvrière est proche de celle de ma ville natale. En suivant la troupe, j’ai vu comment le groupe se constituait en créant du lien social. Dans des populations qui se sentent fragilisées, peu écoutées, très peu regardées, le fait d’exprimer quelque chose de soi publiquement peut être bouleversant. Nous avons recréé un Atlas à Forbach, pour le film, en recrutant des gens de différentes couches sociales et de différentes communautés."