Ces dernières années, à moins d'être un mécanicien aux fantasmes complètement tordus, aller voir un nouveau volet de la saga "Transformers" au cinéma s'est mis fortement à ressembler à une opération kamikaze.
À part un chouette premier épisode qui avait parfaitement compris le plaisir régressif que pouvait constituer de voir les jouets de notre enfance en ordre de bataille à l'écran, Michael Bay n'a cessé d'entraîner la saga dans les limbes de la médiocrité WTF à cause d'une lubie de surenchère comme seule solution de proposition nouvelle à cet univers. Le spectacle visuel était heureusement toujours au rendez-vous (un minimum) mais voir des Dinobots, des chevaliers de la Table Ronde ou un Anthony Hopkins en roue-libre gambader au milieu des conflits Autobots vs Decepticons à travers l'Histoire était devenu un tel capharnaüm scénaristique que même un spectateur ayant gentiment déposé son cerveau à l'entrée de la salle de cinéma pouvait se mettre à tourner de l'oeil devant ces guerres aliens sans fin. Au bout de cinq volets dont un dernier qui a repoussé les limites du n'importe quoi à un degré assez impressionnant, il fallait vraiment mettre un terme à cet engrenage infernal imposé par Michael Bay et repartir vers de nouveaux horizons pour espérer ne pas enterrer définitivement la franchise sous les excès de son metteur en scène. C'est donc à Travis Knight, auteur de la pépite d'animation en stop motion "Kubo et l'armure magique", qu'incombe aujourd'hui cette lourde tâche de faire de ce premier spin-off de la saga consacré à l'incontournable Autobot, Bumblebee, un film aux tonalités différentes en remplissant le réservoir de ces aliens mécaniques d'une nouvelle essence...
Croyez-le ou non, c'est réussi ! Pas parfait ou même novateur, certes, mais au moins à la hauteur des bonnes vibrations ressenties pendant le premier volet et on ne peut que remercier Travis Knight pour cela. Prenant complètement le contre-pied d'un Bay s'enlisant sans cesse dans la surenchère d'un monde humain gouverné par les guerres de Transformers, Knight choisit de revenir dans le passé, en 1987, sur une Terre où Autobots et Decepticons sont encore dans un relatif anonymat et ça fait un bien fou !
"Bumblebee" reste évidemment un blockbuster avec les défauts que cela comporte mais, avec une approche orientée vers la décennie où il se déroule (et donc vers les productions Amblin que cela induit), il tient presque de l'intimiste comparé à la démesure absurde des derniers volets. L'introduction mettant en scène la chute des Autobots sur Cybertron sonne d'ailleurs comme un adieu à cette époque d'excès car, comme le titre l'indique, ce qui nous intéresse ici, c'est bel et bien Bumblebee, soldat amnésique et sans voix d'un autre monde, perdu sur une planète qu'il ne connaît pas (hormis le début, on verra à peine une dizaine de Transformers différents). À l'instar de "E.T." auquel le film renvoie en permanence sur de nombreux points mais aussi de l'amitié entre Shia LaBeouf et la fameuse Camaro dans le premier volet, le film va s'attacher avant tout à la force de la relation entre l'Autobot et une adolescente, Charlie (Hailee Steinfeld), pour faire naître -tenez-vous bien- de l'émotion. Oui, de l'émotion ! Dans un "Transformers" qui plus est, on n'y croyait plus...
Évidemment, cette vision Ambliniesque peut paraître opportuniste vu l'importance de la vague actuelle de films et de séries surfant sur cette vague rétro 80's, et elle l'est sur certains aspects, mais, dans le cas d'une saga en perdition comme "Transformers", force est de constater que cela tient de la solution miracle ! Si vous avez un tant soit peu grandi avec la série animée éponyme ou même joué avec ces figurines transformables dans votre jeunesse, préparez-vous à un grand bol de nostalgie ! Comme une espèce d'adaptation que l'on n'attendait plus, "Bumblebee" est enfin un film "Transformers", un vrai, de la trempe que l'on pouvait imaginer, enfant, en découvrant leurs aventures sur petit écran ou en manipulant les jouets à leur effigie.
Ce sentiment passe d'abord par une intrigue qui brille par une simplicité tranchant complètement avec les délires des longs-métrages précédents. Bumblebee est un alien recherché par l'armée menée par un militaire revanchard (John Cena dont le nom du personnage, Jack Burns, en résume tous les contours) et quelques ennemis Decepticons, point. Ce contexte de menace rudimentaire est bien entendu là pour offrir son lot de scènes d'action en dernier recours mais surtout pour entretenir le secret dans lequel doit se maintenir Bumblebee aux yeux du monde et, plus particulièrement, avec l'entourage de Charlie. C'est d'ailleurs là que le film ravive le plus la flamme des productions 80's dont il s'inspire, avec l'innocence et la détresse de son héroïne adolescente (jamais remise du décès de son père) qui éveille la bonté chez un être extraordinaire face à des adultes qui ne pensent qu'à l'exterminer.
Traitée avec un premier degré naïf (loin d'être artificiel), constant et indissociable de ce type de production d'une époque pas si lointaine, leur relation est la pierre angulaire qui va ne cesser d'alimenter ce "Bumblebee" en sourires et en passages touchants. Comme évoquées, c'est aussi là que les références à "E.T" vont pleuvoir avec l'Autobot découvrant avec humour les objets du quotidien humain ou son apprentissage musical de notre langue, tout comme va naître cette impression d'assister à un reboot de la saga qui ne veut pas dire son nom mais qui a choisi avant tout de se situer à une échelle humaine au milieu d'une guerre extraterrestre.
Aussi séduisante soit-elle, une telle approche entraîne également des défauts dans son sillage : au-delà du lien unissant Charlie et Bumblebee, les personnages annexes n'en sont réduits qu'à des figures manichéennes ou humoristiques avec plus ou moins de réussite (aïe, le traitement comique autour de la famille et l'entourage de Charlie est aussi lourdingue que celui que subissait le personnage de Shia LaBeouf dans le premier film), les affrontements sont bien moins impressionnants car routiniers de la franchise (un des rares points où Bay a placé la barre vraiment haute) et "Bumblebee" n'offre que rarement des surprises dans son déroulement (sa volonté de coller à la simplicité des récits des 80's trouve aussi là des limites). Mais, dans le fond, rien qu'on ne puisse pas pardonner tant, dans l'ensemble, Travis Knight réussit là où Michael Bay a maintes fois échouer avec ses suites à répétition : nous faire croire à nouveau à la magie naïve issue de la rencontre incroyable avec un alien capable de se transformer en véhicule. Il fallait bien un coup de baguette des 80's pour nous faire avoir un regard d'enfant émerveillé devant un "Transformers", Travis Knight l'a fait, tout simplement.