Sergio da Costa et Maya Kosa se confient sur le point de départ de Rio Corgo :
"Au printemps 2012, nous sommes en repérages dans le village d’origine de Sergio, situé au centre du Portugal. Nous développons un portrait rural, mais nous peinons à trouver nos personnages. Un jour, lors d’une pause dans un bar, monsieur Silva fait son entrée. Il est vêtu d’un costume noir, d’un grand sombrero et de santiags décorées par ses soins, exactement comme dans le film. Il commande sa liqueur favorite et la représentation commence. Il réalise quelques tours de magie et avec sa canne dorée secrètement aimantée, il fait des farces, comme de saisir la monnaie des personnes attablées. Bien alcoolisé, nous lui proposons de le ramener en voiture chez lui, dans un village voisin. Nous le revoyons le lendemain et lui proposons de participer au film."
Les cinéastes Sergio da Costa et Maya Kosa reviennent sur le décor du film, au Portugal :
"En suivant Silva, nous découvrons la région montagneuse Trás-Os-Montes, très explorée par les cinéastes portugais, ce qui a priori nous met la pression. Nous arrivons en voiture dans le village de Relvas, et là, sur une route sinueuse qui mène à un petit bourg sans issue, naît le premier plan du film et le village devient le décor principal. Les éléments semblent s’emboiter, nous avons trouvé notre personnage principal et le village, qui nous marque immédiatement. Nous entamons ensuite des repérages en nous éloignant progressivement du village pour découvrir les alentours. Le costume que porte Silva s’intègre à merveille dans les paysages que nous arpentons. Trás-Os-Montes se révèle comme un espace parfait pour un vagabond, un personnage de marcheur. C’est également ici, que Silva a grandi, il a parcouru à pied avec son père les chemins qui mènent d’un village à l’autre, à la recherche de travail."
Les metteurs en scène Sergio da Costa et Maya Kosa expliquent leurs intentions pour Rio Corgo :
"Le film articule des faits liés à la biographie du protagoniste principal et des éléments fantasmagoriques insufflés par son imaginaire. Le détachement du réel naît de notre désir de mettre en scène les visions de Silva, de manière artisanale pour coller à son univers. L’imaginaire de Silva entre en résonnance avec notre approche du réel en tant que cinéastes. Notre représentation de la réalité dans le film est intiment liée à notre manière de l’observer : faire émerger la part poétique et onirique qui se cache dans le quotidien. Ici, en partageant avec le spectateur l’expérience du quotidien halluciné du personnage."
Maya Kosa et Sergio da Costa analysent leur rapport au cinéma portugais :
"Lors de nos études, nous avons été tous deux saisis par les films de Pedro Costa, et le choc esthétique qu’a représenté cette découverte. S’il y a influence, elle se joue ici, essentiellement dans le désir de créer de l’épique, du grandiose à partir de la marge. Depuis, le cinéma portugais fait partie de notre quotidien. Et il est vrai que nous partageons avec de nombreux cinéastes portugais, toutes générations confondues, une approche décomplexée face à l’idée du réel, à sa représentation. Des cinéastes tels que João César Monteiro ou Miguel Gomes, nous ont appris à nous détacher du naturalisme souvent contraignant pour laisser se déployer notre imagination."