Rara s’inspire de faits réels, à savoir l’affaire de la juge Atala qui a perdu la garde de ses filles à cause de son homosexualité. Pepa San Martín avait suivi cette affaire qui lui semble très symptomatique de la situation chilienne actuelle. La réalisatrice confie :
"Presqu’à mon insu cette histoire me touchait profondément. Je me souviens avoir entendu un jour ma mère et mon frère commenter cette affaire, certes avec désolation, mais passer surtout rapidement à un autre sujet ! Cela m’a fait réagir. Les femmes sont jugées sans arrêt, elles doivent choisir entre la maternité et leur carrière. Personnellement, j’ai été victime de discriminations que je juge nécessaires de dénoncer : la famille que je peux fonder n’est pas égale à celle de mon frère ; je suis acceptée, tolérée, les gens m’aiment bien, mais aux yeux de beaucoup, quelque chose ne va pas chez moi."
Pepa San Martín voulant aller au-delà de cette affaire, elle a opté pour un long métrage de fiction et non un documentaire. Au cours de ses recherches, elle a recueilli bon nombre de témoignages de parents séparés, de même sexe ou non, et beaucoup d'entre eux s'axaient autour du combat pour le droit de garde des enfants.
"Il existe des lois qui respectent les homosexuels et c’est primordial. Mais ces lois sont toutes faites par des hommes hétérosexuels qui ignorent tout de la réalité d’un foyer homoparental ! Il est donc important de donner des visages à ces législations. C'est de notre responsabilité, l’homoparentalité est une situation qui est encore loin d’être acceptée dans notre société. Le film ne cherche pas à prêcher des convaincus, mais s’il pouvait aider à éclairer ceux qui doutent de la normalité d’une telle situation et du bien-être des enfants, ce serait merveilleux !"
Pepa San Martín a choisi de raconter cette histoire à travers les yeux d'une fille au seuil de la puberté. A l'origine, le scénario était écrit du point de vue de la mère mais la cinéaste a rapidement senti qu'adopter l’angle du personnage le plus en mutation pourrait apporter beaucoup de richesse.
Tourner avec deux enfants dans les rôles principaux s'est avéré difficile et a demandé beaucoup de travail. Le casting du film a ainsi duré trois mois et Pepa San Martín a ensuite travaillé en atelier avec les deux jeunes actrices pendant trois mois supplémentaires. "Je savais que je n’avais pas droit à l’erreur, parce que cinq ans de travail étaient en jeu", se souvient-elle.
"Mon travail est né de la nécessité de raconter des histoires centrées sur des personnages et la communauté qui gravite autour d’eux. Des histoires intimes, privées, sans revendications explicites. Non pas parce que je ne crois pas au pouvoir des revendications, mais plutôt parce que je pense que le cinéma, et l’art en général, sont capables de modifier la société d’une manière diffuse et subtile, en apportant un changement durable. C’est de cette idée qu’est né le film Rara."