C’est avec le nom français du britannique Joffé, dont le nom rappelle avantageusement joies et buffet, qu’Ofbygod –, pardon, Depardieu se réconcilie avec ses trébuchements de langue en l’idiome de la perfide Albion, entouré de larbins cinématographiques qui sont ses supérieurs à l’écran : François Vatel est peut-être intendant – ou steward en ”VO” – mais il réalisera en même temps que nous qu’il est exploité.
Le cynique cinéaste historien se fend d’une image emplie des parfums dont on s’asperge pour éviter de se laver au coin d’un rideau, et des relents de selles royales ou d’urine déversée dans un pot entre les mains d’une servante. Sa caméra est trop fière de servir à la glorification de ces intérieurs faussement propres où parviennent les fumets pas forcément plus délicats de la cuisine où Vatel tournoie et plonge ses doigts dans toute chose dont il faut s’assurer de la perfection.
On le méprend pour un pâtissier et un valet, et on a raison : il est le sous-fifre de ce casting anglophone où son accent n’est pas de meilleur goût que les ”monsieur” jetés en amuse-gueule dans un français trop raffiné pour être honnête entre deux phrases étrangères ; on en vient à se demander si ce n’est pas Victoria qui rend visite à Louis XIV, c’est pour dire !
Tout fiers qu’on sera, pauvres moldus cerveaulavés que nous sommes, de reconnaître Timothy Spall et Richard Griffiths, on ne boudera surtout pas son plaisir devant Tim Roth, vraiment délicieux dans une brochette d’acteurs servant surtout de portes-manteaux, et l’on saura trouver la valeur de Depardieu derrière son côté batracien (je veux dire par là qu’il est le Frenchie symbolique de Joffé) : son innovativité, sa stoïcité parfois froide, qu’on devine concentrée mais qui se montre pourtant à l’écoute, c’est la recette d’un personnage dont on a l’impression qu’il serait un blockbuster dans la catégorie biopic au XVIème siècle.
Il y a aussi l’aspect psychologique et littéralement intrigant de ces personnages de basse cour s’échangeant des messes… Ou était-ce l’inverse ? C’est en tout cas la sauce qu’il faut pour relever un faste n’ayant de cinématographique que l’envergure ; en effet, les trois jours de fête et de banquet sont rythmés par des mains efficaces (aussi bien par Joffé que Vatel) qui ne prennent pas une seconde pour fabriquer de l’émotion ou quelque profondeur.
Malgré toutes ses qualités, Vatel est une œuvre peu mémorable, le mélange sans piquant de deux cultures qui rendent une saveur assez relevée mais sans arrière-goût. Juste un reportage sur un homme qui en a tellement fait que ça l’a tué. Cela cache hélas une folie des grandeurs pourtant pas simulée ; c’est un vrai banquet royal, adressé à nul roi, que Joffé a confié à nos papilles et à nos pupilles. Encore une fois, c’est un blockbuster qui s’adresse, malheureusement pour nous, à l’époque qu’il dépeint.
https://septiemeartetdemi.com/