Julian Rosefeldt a étudié plusieurs mouvements artistique : le mouvement Dada, Fluxus, les Surréalistes et les Futuristes, mais de façon assez superficielle selon lui. Plus tard, au cours de recherches sur un autre projet, le futur réalisateur est tombé sur deux manifestes de la poète/poétesse et chorégraphe futuriste française Valentine de Saint-Point, ce qui a constitué un choc. "Deux ans auparavant à Berlin, Cate Blanchett m’avait été présentée par un ami commun au cours du vernissage d’une de mes expositions, et l’idée de travailler ensemble est venue assez naturellement", se rappelle-t-il.
En lisant ces manifestes, Julian Rosefeldt s'est rappelé d’autres textes d’artistes célèbres. Dans les mois qui ont suivis, le réalisateur a lu tous les manifestes qu'il a pu trouver, allant du théâtre à la danse, du cinéma à l’architecture. "Il est assez stimulant de constater que certaines idées reviennent sans cesse mais sous des formes différentes. Ces idées communes sont transmises avec une énergie débordante et un enthousiasme presque utopique. Ces manifestes ne sont pas simplement des textes qui auraient vocation à secouer et révolutionner l’art – et éventuellement le monde ; ils sont aussi les témoignages d’une quête d’identité, dévoilés au monde comme un cri et avec une certaine forme de précarité", raconte-t-il.
Dans un premier temps, Julian Rosefeldt a lu ces manifestes comme l’expression d’une jeunesse rebelle, puis comme des objets littéraires et poétiques. Il a réalisé qu’ils n’étaient pas simplement des documents sur l’histoire de l’art, mais une matière très vivante, proche du théâtre. "J’ai donc commencé à imaginer ces textes sous forme de performances, libérés de la dimension poussiéreuse de l’histoire de l’art et réimplantés dans notre époque contemporaine. L’histoire de l’art qui s’inscrit dans la lignée de l’Histoire, nous permet d’apprendre apprenons de celle-ci. Les artistes, tout comme les écrivains, philosophes et scientifiques, sont ceux qui osent formuler leur pensée et leur vision de manière cohérente tout en s’inscrivant dans cette Histoire."
L’idée principale de Manifesto n’était pas d’illustrer les principaux manifestes, mais plutôt de permettre à Cate Blanchett de les incarner. Elle est le manifeste pour Julian Rosefeldt, et il était très clair dès le départ qu’elle devrait jouer plusieurs personnages. "Finalement, Cate en joue 13 : une tradeuse, une mère conservatrice, une patronne, une oratrice funèbre, une punk, une chorégraphe, une enseignante, une ouvrière, une présentatrice TV, une reporter, une marionnettiste, une scientifique et une sans-abri." Comme nous n’avions que 11 jours de tournage avec elle, à Berlin et aux alentours, nous devions mettre en boîte environ douze minutes du film par jour. Un rythme de tournage assez similaire à celui d’une série TV un peu cheap !"
Julian Rosefeldt est un artiste et vidéaste allemand vivant et travaillant à Berlin. Depuis 2001, il enseigne également à l'Académie des Beaux Arts de Munich. Son travail, largement exposé dans les musées et festivals du monde entier, est notamment présent dans les collections renommées de la Neue Nationalgalerie de Berlin, du Centre Australien de l'Image Animée de Melbourne et au Musée d'Art Moderne de New-York.
L’un des défis les plus importants à surmonter pour Cate Blanchett a été la quantité très importante de textes. Ce à quoi s’ajoutaient la contrainte et l’exigence d’incarner plusieurs personnages, évoluant dans différents milieux avec autant d’accents différents. "Et, comme si ce n’était pas assez compliqué comme ça, il a parfois fallu qu’elle incarne deux rôles différents par jour. Impliquant un changement de costume, de maquillage etc. Par exemple, nous avons dû tourner la moitié de la scène de la sansabri le même jour que celle de la présentatrice TV. Je ne parle même pas de ce que ça impliquait pour le chef décorateur et son équipe", explique Julian Rosefeldt.