Homeland : Irak année zéro est un projet d'envergure pour Abbas Fahdel. Ce documentariste d'origine irakienne a fait ses classes, entre autres, chez Jean Rouch, cinéaste du cinéma réel, un courant qui cherche à capter une forme de vérité et à la mettre en jeu. En revenant dans sa terre natale, Fahdel s'est lui aussi interrogé sur le quotidien, celui de sa famille plus précisement. Il a entre autres filmé l'avant-guerre en Irak et l'espoir du peuple d'avoir un avenir meilleur (Homeland : Irak année zéro - partie 1) avant de constater l'échec de cette invasion américaine (Homeland : Irak année zéro - partie 2).
Loin de tout désir artistique, Abbas Fahdel a entrepris le projet d'Homeland : année zéro avec l'intention de rejoindre une Irak, celle de son enfance, sur le point de disparaître. Il voulut en priorité "filmer toutes les petites choses du quotidien pour les sauver de l’anéantissement", selon ses propres termes. Et être au plus proche de sa famille alors que la guerre en Irak était imminente, "et peut-être mourir avec eux", explique t-il.
Homeland : année zéro a eu une génèse pour le moins compliquée, qui explique son arrivée tardive au cinéma. Entre 2002 et 2003, le cinéaste filme sans discontinuer l'attente de la guerre. Alors qu'il revient en France, le conflit éclate et le cinéaste retourne avec sa caméra au milieu des violences. Lorsque son neveu de onze ans meurt d'une balle dans la tête, Abbas Fahdel arrête tout le projet et s'avoue incapable de toucher aux 120 heures de rush accumulées. 10 ans plus tard, les archives lui reviennent en mémoire et il se remet au travail, non sans avoir requit l'approbation de la famille du jeune défunt. Un an et demi de montage plus tard, le documentaire en deux parties est prêt.
Après la chute du régime, Abbas Fahdel prit la décision, à l'occasion du tournage de cette deuxième partie, de sortir pour aller filmer la population, prompt à parler ouvertement de leurs sentiments. Si la dictature venait de tomber, la surveillance était toujours de mise pour le cinéaste. Il mit à contribution sa famille afin d'éviter les ennuis (qui le conduisit là où il souhaitait aller). Il fit aussi appel à Sami Kaftan, "acteur aussi connu que Gérard Depardieu en France", explique-t-il. Celui-ci, de par sa notoriété, laissait en effet croire à ceux chez qui le soupçon pouvait naître que Fahled était en train de tourner pour la télévision officielle.
Homeland : Irak année zéro fait directement référence à un chef d'oeuvre du cinéma italien, le mythique Allemagne année zéro. Dans ce long-métrage de Roberto Rossellini, un enfant vagabonde dans un Berlin en ruines, alors que la seconde guerre mondiale vient à peine d'ébranler une génération toute entière. Une différence toutefois selon Abbas Fahdel : le rapport du cinéaste à son sujet. Rossellini filmait la capitale allemande alors qu'il était originaire de Rome, lorsque Fahdel revient dans son Irak natale pour opérer un douloureux bilan.